#13 - Bigorexie: suis-je dépendant au sport?

Bigorexie: suis-je dépendant au sport?

Bigorexique! Voilà désormais la nouvelle menace qui plane au-dessus des sportifs. Réelle ou exagérée, cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes semble être là pour sanctionner une pratique excessive de notre part. Mais qu’en est-il réellement? Sommes-nous tous des drogués de la course? Sommes-nous accros aux endorphines? Et si c’est le cas… comment s’en sortir?

Bigorexie: suis-je dépendant au sport? - Résumé

  • Une addiction sans prise de substance
  • Une réelle maladie aux multiples facettes
  • Les troubles alimentaires, alliés de la bigoterie
  • 3% de bigorexiques : suis-je concerné ? l'exercice Addiction Inventory
  • Charge d'entraînement : la juste mesure pour une pratique sécurisée
  • S'entraîner c'est bien, se reposer c'est essentiel
  • Le sport par plaisir, l'atout maître de la prévention

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La Bigorexie, une maladie réelle aux multiples facettes

Mise en évidence en 1976 par le docteur Glasser, la bigorexie se définit comme l’addiction d’une personne au sport. Pour rappel, selon Le traité d’addictologie, le terme addiction correspond à « une focalisation sur un objet d’intérêt unique devenu véritable besoin, plus qu’un désir et la poursuite de ce comportement malgré les conséquences négatives sur la vie sociale, affective ou sur la santé ». En 2011, l’OMS reconnaît la bigorexie comme une addiction sans prise de substance. Ne nous y trompons pas non plus, la bigorexie ce n’est pas aimer faire du sport, voire en faire beaucoup. C’est avoir avec son/ses sport/s un rapport de dépendance néfaste.

Ainsi, il est totalement illusoire de vouloir définir une pathologie bigorexique uniquement à partir du nombre d’heures de pratique. A une époque, nous avons beaucoup entendu parler du fameux seuil de 10 heures de sport quotidien qui serait la limite à ne pas franchir sous peine d’être bigorexique. Heureusement car sinon cela signifierait que tous les athlètes de haut niveau seraient bigorexiques ! Une étude de 2015 a d’ailleurs établi que 3% de la population sportive souffrait de bigorexie. La caractérisation de cette maladie, car c’est une maladie, a été établie en 2004 par Terry qui a élaboré l’échelle EAI (exercise addiction inventory). Cette échelle a été francisée par le docteur Inès Ferreira en 2016.

➡️L'EAI du Dr Ferreira

➡️L'EAI du Dr Terry

L’EAI repose autour de l’étude de 6 items auxquels est attribué une note de 1 à 6. Le résultat total donne une indication sur le niveau de dépendance ou non du sportif. Ne soyez donc pas inquiet dès qu’une personne ne comprenant pas votre engouement pour la course à pied vous dit que vous êtes totalement accro.

Les endorphines, le manque du coureur ?

En effet, une personne ne pratiquant pas d’activité physique pourra avoir tendance à juger négativement votre investissement dans votre passion. Ceux qui font beaucoup sont souvent la cible de ceux qui sont incapables de peu. Ne pas négliger cet aspect-là lorsque l’on vous fait des remarques. L’autre grande raison qui ferait de nous des accros est l’action des hormones dont la fameuse endorphine, l’hormone du bonheur. Si son action « bien-être » est indéniable, il ne faut pas non plus la surestimer. On ne devient pas accro au premier run… ni au 1000ème. Certains d’entre nous peuvent être plus sensibles aux variations hormonales et donc pratiquer une activité physique dans l’unique but d’apporter leur dose mais nous l’avons vu il s’agit d’une minorité. N’oublions pas que dans une société de la sédentarisation, nous aimons regarder l’engagement sportif comme relevant d’une forme de folie. Dans les sports extrêmes, on parle de même de personne qui se « shoote » à l’adrénaline! Il semble que nous soyons pleinement dans un dérivatif à la peur du dépassement de soi.

Au-delà de l’éventuelle dépendance aux hormones du bonheur,la bigorexie s’accompagne très fréquemment de troubles alimentaires.

Bigorexie, anorexie, boulimie et orthorexie

13% à 14% des sportifs ont des troubles alimentaires. La course à pied fait partie des sports les plus touchés. L’obsession du poids de forme se transforme alors en pathologie. Deux étapes sont bien définies.

La première est une recherche permanente d’une perte de poids pour être le plus performant possible. Ensuite la perte de poids devient l’objet premier de la pratique sportive. Un certain nombre d’à-priori accompagne la pratique de la course. Évidemment si vous serez plus à l’aise pour courir un marathon en ayant un poids médian plutôt qu’en surpoids, il ne faudra pas forcément être « maigre comme un fil de fer ». A ce titre, positionnez-vous le long d’un marathon, d’un trail, de n’importe quelle course… vous constaterez qu’il y a des profils très variés. Ne soyez pas obsédé par cette question, au risque de tomber dans l’anorexie, la boulimie voire l’orthorexie. Moins connue, cette dernière pathologie désigne le souci de manger sainement qui se transforme en véritable obsession. On se met à tout peser aux grammes près, aucune souplesse n’est tolérée et aucun écart accepté. S’alimenter devient alors une contrainte, une source d’angoisse et de stress.

Surcharge d’entraînement, surentraînement : quellemesure ?

Nous l’avons vu, la bigorexie ne peut pas être définie parle seul volume d’entraînement hebdomadaire. Toutefois, il existe un lienpuisqu’évidemment, l’accro au sport pratiquera de plus en plus. Dès lors, laquestion de la charge d’entraînement se pose.

Tout d’abord, il est nécessaire de bien différencier deuxtermes, proches mais aux réalités différentes : la surcharged’entraînement et le surentraînement. Nous entendons souvent parler desurentraînement. Or une telle situation demeure exceptionnelle et nous avonssouvent à faire à une surcharge d’entraînement. La nuance est que lesurentraînement consiste en une surcharge chronique sur le long terme. Dèslors, les conséquences néfastes pour l’organisme (et donc la performance)peuvent durer des mois, voire des années. Alors qu’une « simple »surcharge d’entraînement pourra être résolue en quelques semaines.

Une fois ceci dit, nous ne sommes pas plus avancés. Comment savons-nous que nous en faisons trop ? Le principe de base est d’avoir un entraînement adapté à votre objectif. Si vous ambitionnez d’être médaillé olympique, 10 à 15 séances par semaines ne seront pas de trop. Si vous souhaitez être finisher de votre semi-marathon, 3 séances seront largement suffisantes. La progressivité dans la quantité de kilomètres hebdomadaire est également une donnée à respecter. Il est classiquement conseillé de ne pas excéder une augmentation de plus de 10% par semaine. Un autre point, plus subtil mais essentiel: il faut être à l’écoute de son corps. En effet, le sportif qui est rentier sans enfants pourra aisément s’entraîner et « encaisser » plus facilement un nombre accru de séances que la personne qui a un travail éprouvant et quatre enfants à s’occuper. Ne négligez pas ces aspects de votre vie.

La fréquence cardiaque de repos est souvent considérée comme un bon facteur de fatigue. Une variation de plus de 7/10 battements par minute - par rapport à la normale - sur plusieurs jours peut être un signe de surcharge d’entraînement. Pour l’aspect plus personnel du ressenti des séances, l’échelle de Borg est un bon outil pour évaluer ce qu’on appelle la charge interne (manière dont on réagit personnellement à l’entraînement).


La bigorexie n’est pas une fatalité pour les fous de courseà pied

Vous l’avez compris, nous pouvons être fou de course, pratiquer intensément, sans être bigorexique. Un certain nombre d’éléments sont à prendre en compte dans notre pratique quotidienne pour évaluer si nous sommes en proie à cette dérive.

La première chose est de savoir pourquoi nous faisons les choses. La motivation doit rester personnelle. Plus nous faisons intervenir le regard des autres, que ce soit en termes de performance pure que d’apparence notamment physique, plus le risque de dérive est important. Restons donc centré sur des objectifs de réalisation personnelle. Il faut évidemment être à l’écoute des autres. Votre entourage n’est pas uniquement jaloux ou intolérant à votre pratique sportive. Sachez prendre du recul et analyser les retours que l’on peut vous faire. Le sport reste le meilleur moyen d’évacuer le stress. Ne vous en privez pas. Ayez-en conscience tout simplement. Tout est question de modération. Le plaisir doit rester central. Sachez également équilibrer vos différents centres d’intérêts et d’activités. En période de préparation marathon il est tout à fait légitime que vous soyez centré sur votre objectif. Une fois l’exploit réalisé, accordez-vous du temps et à votre entourage qui vous aura soutenu et accompagné dans votre accomplissement. Faites des coupures car on l’oublie trop souvent, la récupération fait partie de l’entraînement.

Et si vous sentez que vous êtes réellement accro, reconnaissez-le et faîtes-vous aider par une équipe pluridisciplinaire : médecin du sport, psychologue, addictologue. Vous pourrez notamment vous tournez vers les CSAPA, centres de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie.

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