Dans la Tête d'un Coureur

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Souffrez-vous de ‘broken data’ ? le mal caché des coureurs connectés

À une époque où nos activités sportives se traduisent en graphiques, courbes et statistiques, le plaisir de courir semble parfois éclipsé par l’obsession des chiffres. Les "Broken Data", sont devenues une source de frustration pour de nombreux sportifs . Mais pourquoi ces données, ont-elles un tel impact sur notre mental ?

En s’appuyant sur l’analyse du sociologue Bastien Soulé, nous explorons les mécanismes psychologiques derrière cette quête de perfection numérique.

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Le "broken data", c’est quoi ?

Le "broken data" désigne des données sportives imparfaites ou incomplètes, souvent causées par des interruptions comme une perte de signal GPS, un arrêt imprévu, ou des enregistrements défaillants, qui ne reflètent pas fidèlement l’effort réel du coureur.

quand l’imperfection devient une obsession

Selon Bastien Soulé, cela reflète un décalage entre l’expérience vécue et l’expérience enregistrée. La crainte des "broken data" va parfois jusqu’à influencer le comportement des sportifs avant même le début de leur séance. Certains refusent de démarrer tant que leur GPS n’a pas trouvé de signal, préférant attendre plusieurs minutes pour s’assurer que chaque foulée sera correctement enregistrée. Ce stress lié à l’enregistrement parfait des données peut transformer une simple sortie en une source de frustration.

  • Frustration et perte de satisfaction personnelle : Le plaisir de courir est éclipsé par l’obsession des chiffres parfaits.

  • Modification des comportements : Certains évitent les parcours avec interruptions ou choisissent des itinéraires optimisés pour produire des "belles données".

  • Perte de spontanéité : La recherche de perfection transforme l’effort en une performance constante à "labelliser".

Les impacts psychologiques des données imparfaites

Les "broken data" ne sont pas qu’un simple problème de chiffres ; elles peuvent aussi avoir des répercussions sur le bien-être des coureurs.

Lorsqu’une séance ne reflète pas fidèlement l’effort consenti, cela peut provoquer une dissonance cognitive : un inconfort mental lié à la contradiction entre le ressenti de l’effort et l’absence de validation par les données. Ce décalage peut donner l’impression que la sortie est "incomplète" ou qu’elle a moins de valeur.

Pour certains, ces imperfections entraînent une perte de confiance en soi. Une activité mal enregistrée — qu’il s’agisse d’une perte de GPS, d’un arrêt imprévu ou d’un défaut de batterie — peut être perçue comme un échec personnel, même si l’effort réel a été accompli.

À cela s’ajoute la crainte du jugement. Publier des données imparfaites dans un environnement où la comparaison est omniprésente peut générer une anxiété liée au regard des autres. Dans des communautés sportives digitales, où les performances sont visibles et analysables, certains évitent volontairement de partager leurs séances s’ils les jugent "pas assez bonnes".

Ces mécanismes alimentent l’obsession de produire des "belles données" : des statistiques lisses et flatteuses, perçues comme des preuves tangibles de la qualité de l’effort. Cette quête de perfection numérique finit par prendre le pas sur l’expérience sportive elle-même, éclipsant le plaisir simple de bouger et de se dépasser.

Image montrant la performance comparative des coureurs Image by Author.

Revenir à l’essence du sport : débrancher pour mieux respirer

Pour ne pas tomber dans le piège des "broken data", voici quelques pistes pour retrouver une relation saine avec la technologie et le sport :

  • Accepter l’imperfection : Votre GPS n’a pas capté les trois premières minutes ? Cela n’enlève rien à votre effort. Apprenez à dissocier votre ressenti de l’enregistrement.

  • Désactiver le partage automatique : Gardez vos séances pour vous et partagez-les uniquement lorsque vous en avez vraiment envie.

  • Tester des sorties sans montre : Redécouvrez le plaisir brut de courir, sans chercher à tout mesurer.

  • Reformuler vos objectifs : Concentrez-vous sur des sensations positives plutôt que sur des chiffres.

le cas d'Emile Cairess, Quand les sensations prennent le dessus

Tous les coureurs ne sont pas esclaves des données. Le cas d’Emile Cairess, coureur britannique, est une belle démonstration que la performance peut s’accomplir sans l’obsession des chiffres. Lors du marathon des Jeux Olympiques à Paris, Cairess a créé la surprise en terminant à la quatrième place avec un chrono de 2h07’29, à seulement 30 secondes du podium.

Sa particularité ? Il a couru avec une montre Casio à 25€, sans GPS, sans indication d’allure, ni temps de passage à chaque kilomètre. En s’appuyant uniquement sur ses sensations et son expérience, Cairess a démontré qu’on peut performer "à l’ancienne".

Dans un monde où les données sont omniprésentes, l’histoire d’Emile Cairess montre qu’il est encore possible de se détacher des "broken data"… en ne s’en préoccupant pas du tout. Une belle inspiration pour retrouver le plaisir brut de courir.

le sport, au-delà des chiffres

L’obsession des données parfaites met en lumière une tension moderne : comment concilier notre besoin de validation numérique avec le plaisir simple de l’effort physique ? Les "broken data" rappellent que l’essence du sport ne se trouve pas dans un graphique ou une statistique, mais dans les sensations, les émotions et les expériences qu’il procure.

Et vous, êtes-vous parfois frustré par des "broken data" ? Partagez vos impressions et vos solutions pour dépasser cette obsession des chiffres !

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