STRAVA, le meilleur ennemi du coureur ?
Les applications comme Strava ont révolutionné notre manière de pratiquer la course à pied, mais leur influence va bien au-delà du simple suivi de nos activités. En plongeant dans les coulisses de cette célèbre plateforme, Cléo et Émilie, journalistes chez "Dans la Tête d’un Coureur”, explorent ses impacts sur la santé mentale et le comportement des sportifs.
Strava : quand le sport rencontre les réseaux sociaux
Créée en 2009, Strava s’est imposée comme bien plus qu’un outil pour enregistrer ses séances. Avec ses 120 millions d’utilisateurs dans le monde, elle mêle communauté et performance, proposant un mélange de réseau social et de tracker sportif. On s’y félicite avec des "kudos", on se compare sur des segments, et on partage photos et récits d’efforts. Strava, qui signifie "faire un effort" en suédois, est devenue une scène virtuelle où chacun peut montrer son ambition.
Mais comme tout réseau social, cette exposition n’est pas sans conséquences. Si certains y trouvent un espace d’émulation et de motivation, d'autres ressentent une pression constante pour "faire mieux".
Alors, Strava est-elle un allié ou un piège ?
Se motiver ensemble : le pouvoir de la communauté Strava
Selon les données de Strava, 84 % des utilisateurs déclarent que l’application les aide à combattre la solitude. L’aspect communautaire, basé sur les encouragements et le soutien mutuel, est indéniablement un point fort. Comme le souligne Bastien Soulé, sociologue spécialiste des usages sportifs, "faire partie de la communauté Strava, c’est s’intégrer à un groupe qui soutient et valorise l’effort".
Ce réseau social du sport est aussi un puissant levier de motivation. Les défis, les records personnels ou encore les comparaisons sur des segments rendent l’effort ludique. "Cela pousse à sortir, à se dépasser", explique un utilisateur.
Pression, comparaison et addiction : les ombres au tableau
Toutefois, cet environnement peut aussi devenir oppressant. Entre les commentaires parfois malveillants et l’obsession des "belles données" (des statistiques parfaites, sans interruptions ni ralentissements), certains utilisateurs tombent dans une relation malsaine avec l’application. Une enquête de l’Université de Galway révèle que les fonctionnalités de gamification peuvent transformer une passion saine en obsession, générant culpabilité et stress.
Margot, une coureuse amatrice, a partagé son expérience : "Au début, c’était motivant, mais avec le temps, les commentaires désobligeants et la pression pour toujours montrer le meilleur de moi-même ont pris le dessus. J’ai fini par cacher mes activités pour retrouver du plaisir à courir."
Les athlètes pro face au dilemme Strava : partager ou se préserver ?
Même les athlètes de haut niveau ne sont pas épargnés. Yohan Durand, coureur élite, confie : "Strava peut être un outil génial pour partager et s’inspirer, mais il y a aussi un risque de suranalyse. Voir les entraînements des autres peut devenir frustrant, surtout en cas de blessure." Certains choisissent même de cacher leurs données pour éviter de révéler leurs stratégies à leurs concurrents.
Trouver le bon équilibre
Alors, comment utiliser Strava sans tomber dans ses travers ? Les experts recommandent de limiter les comparaisons et de se concentrer sur ses propres objectifs. Il est aussi possible de personnaliser les paramètres pour masquer certaines données sensibles, comme l’allure ou la géolocalisation.
Strava reste un outil puissant, à condition de garder une approche saine. Comme le rappelle la psychanalyste Sandrine Vialle-Lenoël, "le sport doit rester une source de plaisir et de bien-être. La performance ne peut exister sans moments de relâchement. Il faut savoir se déconnecter, même d’une application."
Strava : allié ou obstacle ?
En résumé, Strava, c’est avant tout ce que l’on en fait. Un levier pour se motiver ou un poids supplémentaire ? À chacun de trouver son équilibre, en écoutant son corps, son esprit, et ses envies. Et vous, quel est votre rapport à cette application ?