Trail vs Route : Comment ces deux mondes sont en train de fusionner (et ce que cela change)
« On n’est pas forcément très bien perçus par le monde de l’athlétisme. » Ces mots de Thomas Cardin, l’un des meilleurs traileurs français, illustrent une réalité encore palpable : entre les coureurs sur route et les traileurs, une frontière invisible persiste. Pourtant, cette ligne de séparation tend à s’effacer, portée par une nouvelle génération de coureur qui brouillent les codes et s’affranchissent des étiquettes.
Les origines de deux disciplines historiquement distinctes
La course sur route : la tradition et la performance chronométrée
La course sur route a toujours été synonyme de rigueur et de compétitions. Les marathons, semi-marathons et 10 km se déroulent sur des parcours balisés, souvent plats, où la performance se mesure à la seconde près.
Cette discipline, fortement institutionnalisée avec des records mondiaux et des classements internationaux, a longtemps mis l’accent sur la vitesse pure et la capacité à maintenir une allure constante. Des figures emblématiques comme Eliud Kipchoge ou Kenenisa Bekele incarnent cette quête de la perfection athlétique.
Le trail : un retour à la nature et à l’aventure
À l’opposé, le trail s’est développé comme une discipline de l’évasion et du dépassement personnel. Courir en montagne, sur des terrains variés et souvent imprévisibles, demande non seulement des capacités physiques mais aussi une adaptabilité mentale et technique.
L’absence de standardisation, l’importance des conditions climatiques et la diversité des parcours ont fait du trail une discipline où la victoire ne dépend pas seulement de la vitesse mais aussi de la gestion de l’effort, de la stratégie et d’une certaine humilité face à la nature.
Des mondes qui ont longtemps évolué séparément
Pendant des années, ces deux univers sont restés hermétiques l’un à l’autre. Les coureurs sur route, focalisés sur le chrono, voyaient le trail comme une activité secondaire, presque ludique. À l’inverse, les traileurs, souvent amateurs, se définissaient en opposition à la compétition chronométrée, valorisant l’expérience plutôt que la performance.
Cette distinction se reflétait aussi dans les codes :
Les coureurs sur route arboraient des tenues légères et minimalistes, adaptées à la vitesse.
Les traileurs privilégiaient l’équipement technique : chaussures robustes, sacs d’hydratation, et bâtons.
Mais cette opposition a commencé à s’estomper avec l’essor de la popularité du trail.
Le rapprochement : quand les deux disciplines s’inspirent
Des athlètes hybrides
Aujourd’hui, de nombreux coureurs brillent sur route comme sur trail. L’exemple d’Hassan Chahdi, marathonien olympique, est emblématique. Il n'hésite pas à se tester sur trail, avec des participations remarquées sur des épreuves comme Sierre-Zinal ou le festival des Templiers.
De l’autre côté, des traileurs comme Blandine L'Hirondel ou Rémi Bonnet, spécialistes des courses en montagne, affichent des performances impressionnantes sur route ou Cross-Country. Ce croisement de disciplines démontre qu’il est possible d’exceller à la fois en vitesse pure et en gestion d’effort sur des parcours techniques.
L’évolution des profils d’athlètes va encore plus loin, avec des spécialistes de l’ultra-trail qui n’hésitent plus à s’aligner sur des compétitions sur route, notamment pendant l’hiver. Ce changement de paradigme s’observe chez des figures comme Jim Walmsley, triple vainqueur de la Western States, ou Katie Schide, championne de l’UTMB, tous deux issus du monde de l’athlétisme.
Ce phénomène est également visible chez des coureurs français comme Mathieu Blanchard, médaillé d’argent à l’UTMB 2022, qui a réalisé un impressionnant chrono de 1 h 07'38'' au semi-marathon de Paris, ou encore Ben Dhiman, capable de courir en 1 h 06'22'' la même distance. Ces performances illustrent que même les experts d’ultra-trail cherchent à développer leur vitesse et à optimiser leur condition physique.
Cette diversification des compétences n’est pas qu’une mode. Elle reflète un entraînement plus global et une volonté d’aller chercher de nouveaux défis. En passant d’un terrain à l’autre, ces athlètes montrent qu’ils maîtrisent à la fois la puissance, la vitesse et l’endurance, redéfinissant les standards de la course à pied moderne.
Les nouvelles générations : s’affranchir des codes
Même chez les amateurs, la nouvelle génération de coureur ne se sent plus obligée de choisir entre route et trail. Elles courent où elles en ont envie, et surtout comme elles en ont envie. Ces coureurs hybrides incarnent une liberté nouvelle, où l’on peut aussi bien chercher un record sur 10 km que savourer une épreuve de 50 km en montagne.
Ce décloisonnement s’explique aussi par :
L’influence des réseaux sociaux : Les athlètes partagent leurs aventures sur route et sur trail, brouillant les distinctions entre les disciplines.
L’envie d’explorer : Plus que jamais, les coureurs cherchent des défis variés et des expériences enrichissantes, au-delà des formats traditionnels.
L’évolution des équipements : Les chaussures hybrides, comme la Asics Metafuji Trail ou la Nike Pegasus Trail , permettent de courir sur des terrains variés sans sacrifier la performance.
Un enrichissement mutuel
Le rapprochement entre route et trail est une force. Les deux disciplines s’enrichissent mutuellement. Les traileurs gagnent en vitesse et en précision grâce à des entraînements inspirés de la route et les coureurs sur route trouvent dans le trail un moyen d’améliorer leur puissance et de diversifier leurs compétitions.
Comme le souligne Thomas Cardin, ce croisement des mondes est bénéfique : « Aujourd’hui, on est tous des coureurs avant tout. Peu importe que ce soit sur route, en montagne ou ailleurs, l’essentiel est de prendre du plaisir et de se dépasser. »
Alors que le trail continue de gagner en popularité et que les records sur route repoussent toujours plus les limites humaines, ces deux disciplines se rejoignent et se transforment.
La course à pied n’a jamais été aussi riche, aussi ouverte, et c’est cette liberté qui inspire les nouvelles générations. Que vous soyez attiré par le chrono ou par les sommets, l’essentiel est de trouver votre propre terrain de jeu, là où le plaisir et le dépassement se rencontrent.