Canicross : allier la force de deux passions avec Evan & Anthony

De plus en plus répandu, le canicross est un sport qui permet d’allier passion de la course à pied et amour des chiens. Rencontre avec Evan et Anthony, deux passionnés qui ont érigé cette discipline en véritable art de vivre.

Aux origines d’une passion

Evan Robart et Anthony Avila sont deux hommes aux profils radicalement différents, liés par une passion commune : le canicross.

À 16ans, Evan est pour ainsi dire tombé dans ce sport étant petit. Lui et sa mère ont toujours eu à cœur d’accueillir de vieux chiens pour leur offrir un panier retraite. Mais quand la vie place sur leur chemin Mya, une chiot berger belge malinois, le destin d’Evan bascule.

Il décide de commencer à courir avec sa chienne, puis s’inscrit sur quelques courses de canicross ouvertes aux enfants. Après un arrêt forcé du fait du COVID-19, Evan reprend sérieusement le sport et s’inscrit dans un club d’athlétisme tout en continuant à pratiquer le canicross. Avec sa jeune chienne, il obtient de très bons résultats et parvient à se qualifier aux Championnats d’Europe.

Mais malgré le plaisir qu’il prend lors des compétitions, le jeune homme se rend vite compte que Mya est limitée physiquement face aux chiens sélectionnés pour la compétition. C’est alors qu’un sélectionneur lui propose un ancien chien de musher : un alaskan nommé Obiwan. Contrairement à Mya, Obiwan a déjà un passé : il est habitué à tracter un traineau avec un attelage. Le canicross est une discipline totalement différente dite « mono-chien », qu’il ne parvient pas à saisir dans un premier temps. Ce chien tant attendu ne tracte pas. Evan ne se décourage pas : il s’entraine avec son nouveau binôme, patiemment, une patte après l’autre. Au bout de quelques semaines, le duo se lance dans une course en montagne qui se déroule étonnamment bien. C’est le déclic tant attendu : le lendemain, Evan et Obiwan remporte la course et c’est une nouvelle histoire qui commence.

Il n'oublie pas Mya pour autant !

"Je participe à des courses avec Mya et mon petit frère, on continue à partager de cette façon et ça nous convient parfaitement."

Le parcours d’Anthony est fondamentalement différent. Il y a 8 ans, ce père de famille n’est pas particulièrement sportif. Il est en léger surpoids mais ne ressent aucun attrait particulier pour l’activité physique, encore moins la course à pied.

Alors qu’un ami lui propose de participer à une course avec son chien, un petit croisé Jack Russel plein d’énergie, la réponse est sans appel :

« Tu ne me verras jamais courir ».

Et pourtant… Quelques jours plus tard, la femme d’Anthony lui fait la surprise de rentrer avec tout le matériel nécessaire au canicross. Plus le choix, il faut y aller. C'est là que la magie opère. Le chien d'Anthony est emballé et sa joie est contagieuse. Le binôme prend donc le chemin de l'entrainement et s'aligne quelques mois plus tard sur une compétition. Ce sera la première d'une belle série.

Désormais mordu, Anthony adopte d'abord un deuxième chien extrêmement grand et puissant qui l'oblige à repenser ses entrainements. Il doit s'adapter à cette capacité de traction plus importante tout en apprenant à son partenaire à ralentir le rythme pour tenir compte de sa présence derrière lui. C'est un travail de longue haleine qui se révèle complexe et nécessite une remise en question et des adaptations quasi permanentes.

Finalement, Anthony décide d'adopter un troisième chien : une femme greyster nommée Poppins. Le greyster est une race créée pour l'activité sportive comme le canicross. Elle est issue du croisement entre le braque allemand et le lévrier et présente des aptitudes de vitesse et d'endurance incroyables. Avec elle, il passe encore à l'étape supérieure. Poppins et Anthony forment plus qu'un simple duo, ils sont fusionnels et cela se ressent dans les résultats des compétitions auxquelles ils participent, toujours dans la bienveillance et la bonne humeur.

S'entrainer avec son chien

Anthony et Evan sont tous les deux athlètes. Ils pratiquent la course à pied en club d'un côté, et le canicross de l'autre. Pour eux, ce sont deux disciplines distinctes.

Il faut en effet considérer le canicross et la course à pied comme deux sports à part entière. D'un côté, l'humain va s'entrainer selon le schéma assez classique, avec un accent mis sur les allures spécifiques 5K et 10K, qui sont les distances moyennes d'une course de canicross. Evan explique par ailleurs que lorsqu'il court avec Obiwan, il est en sur-vitesse. Autrement dit, il court à une allure qu'il n'atteindrait pas sans son binôme. C'est un effort violent pour l'organisme, particulièrement lors des départs qui peuvent être extrêmement rapides. Pour encaisser, il faut se préparer physiquement, de la même façon que l'on travaille les descentes pour le trail par exemple. L'effort excentrique est primordial et doit être correctement appréhendé pour éviter tout risque de blessure.  

Parallèlement, les deux hommes vont entrainer leurs chiens avec du travail en libre pour l'endurance fondamentale, des séances de côtes pour la puissance, des séances de vitesse où ils vont par exemple grimper sur un VTT pour suivre l'allure.

"C'est simple, dans le canicross, le chien est aussi un athlète."  Evan

Enfin, chacun va travailler avec son chien, en traction, pour parvenir à une bonne coordination et une connexion quasi parfaite. Il faut dire que la sensation de courir en traction est très particulière, comme le rappelle Anthony. Il faut apprendre à lâcher prise, à se laisser entrainer par la puissance de son chien tout en l'accompagnant. Cela ne s'improvise pas et doit être préparé à l'entrainement. De la même façon, il faut apprendre à son compagnon à courir à une vitesse qui permette à l'humain de tenir le rythme sur plusieurs kilomètres. Il est nécessaire de déterminer une allure cible et de la travailler sur des séances spécifiques.

L'alimentation du chien sportif

Tant pour Evan que pour Anthony, leurs chiens sont bien plus que des partenaires sportifs. Ce sont des membres de la famille de qui il faut prendre particulièrement soin.

À ce titre, il est primordial de connaitre leurs besoins de base ainsi que les spécificités liées à la pratique du canicross.

Par exemple, en ce qui concernant l'alimentation, Poppins et Obiwan ont droit à des croquettes spéciales adaptées à leurs dépenses énergétiques importantes. Ils peuvent être complémentés si nécessaire pour leur assurer des apports optimaux. Anthony explique que contrairement aux humains, les chiens fonctionnent majoritairement grâce aux filières lipidiques. Le rapport est d'environ 70% d'utilisation des lipides contre 30% des glucides. Il leur faut donc une alimentation particulièrement riche en bons gras.

Comme tout athlète, les chiens ont un poids de forme à respecter pour performer sur une compétition. Il faut prendre en compte leurs besoins pour leur permettre de s'exprimer pleinement sur les courses.

Attention au timing ! Les chiens sont sujets à ce que l'on appelle le retournement d'estomac, qui peut être mortel. Il faut laisser un laps de temps suffisant entre le dernier repas et l'effort. Si vous préférez nourrir votre animal après l'entrainement, attendez un peu qu'il redescende en énergie avant de lui tendre sa gamelle.

Le deuxième volet tout aussi primordial est l'hydratation. Là encore, le parallèle avec les humains est vite fait. Chaque chien doit avoir une hydratation suffisante et adaptée à son effort. Pour les grands sportifs comme Poppins et Obiwan, on peut opter pour des boissons d'hydratation spécialement conçus pour les canidés. Elles seront toute indiquées avant, pendant mais aussi après la course pour ne pas risquer la déshydratation.

Canicross : un sport de partage

Anthony et Evan sont tous les deux des compétiteurs, trait de caractère qu'ils partagent avec leur binôme respectif. Habitués des compétitions, ils ont à leurs actifs plusieurs grands championnats et de magnifiques victoires.

Mais en les écoutant, ce n'est pas ce qui interpelle. En réalité, les deux hommes sont portés par la force de deux passions : celle du chien d'abord, celle de la course ensuite. C'est la rencontre des deux qui crée une incroyable synergie, un tourbillon d'émotions qui va bien au-delà du sport.

Le canicross apparait comme un vecteur de partage. Il réunit des passionnés mais aussi leurs familles autour de valeurs communes fortes telles que l'écoute de l'autre, la gestion des émotions, l'attention portée au bien-être de son chien...

"Parmi mes plus beaux moments de canicross, je pense beaucoup aux courses que je réalise avec ma fille. Quand je vois son sourire et la fierté de Poppins sur la ligne d'arrivée, je me dis que j'ai tout gagné." - Anthony

Il semble en effet qu'entrer dans le monde du canicross, c'est faire la rencontre d'une véritable famille soudée où chaque personne prend soin de son voisin. Cet esprit de convivialité et de solidarité se retrouve à chaque compétition. Anthony nous raconte qu'à la suite d'une pubalgie, il a dû passer sur la table d'opération et cesser de courir pendant un an. À son retour, ses adversaires, qui s'étaient tenus informés de l'évolution de sa convalescence, étaient très heureux de le revoir sur la ligne de départ. Les valeurs d'amitié et de partage ont ainsi pris le pas sur le pur esprit de compétition.

Cet état d'esprit bienveillant se retrouve évidemment dans le rapport des athlètes à leurs chiens. Compétiteurs oui, mais jamais au détriment de la santé des chiens qui reste la priorité absolue. Evan a d'ailleurs été fortement marqué par l'affaire d'empoisonnements qui a secoué les championnats de France 2023. Des boulettes contenant un poison mortel avaient été disséminées sur le parcours, causant la mort de plusieurs chiens.

"C'était horrible. Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il se passait. J'ai vu un homme passer devant moi en hurlant, son husky dans les bras. C'était une des victimes. Je sais qu'il ne faut pas tomber dans la paranoïa mais forcément aujourd'hui, on y pense."

Ces actes de cruauté, qui ont fait la Une des médias, ont suscité l'indignation de la population bien au-delà du monde du chien, et ont amené les organisateurs à renforcer la sécurité des événements pour que les binômes acceptent de revenir. Pour eux, pas de compétitions si la sécurité de leurs chiens n'est pas garantie.

L'amour de l'animal passera toujours avant toute autre considération.

Chroniques de passionnés : les souvenirs d'Evan et Anthony

Avant de se quitter, il est temps de demander à Anthony et Evan de raconter leur meilleur et leur pire souvenirs de canicross.

Pour l'un comme pour l'autre, Evan réfléchit quelques secondes. Le pire souvenir ? Ses derniers Championnats de France, avec une Mya terriblement excitée au départ, mais qui cesse de tracter au bout de 800m de course. Qu'a-t-il fait ? Il s'est adapté, toujours dans le respect de sa chienne, frustré certes, mais jamais déçu de celle qui l'a accompagné dans l'aventure.

Son meilleur souvenir s'inscrit d'ailleurs lui-aussi dans ce lien indéfectible entre l'homme et l'animal. Il s'agit de ses Championnats d'Europe avec Mya.

"Nous n'avons pas fait un bon classement tant le niveau était élevé, mais Mya a été juste incroyable. Elle a fait une course parfaite."

 Le classement n'était pas au rendez-vous mais Evan a encore des étoiles dans les yeux en pensant à l'extraordinaire course réalisée par sa chienne et au coeur qu'elle a mis dans cette épreuve. Ce souvenir illustre à lui-seul la relation du jeune homme à ce sport. À seulement 16ans, il a déjà la résilience et la capacité à s'affranchir d'une place dans un classement pour voir plus loin. Nul doute que la suite du chemin avec Obiwan sera riche en émotions et en médailles !

Anthony quant à lui, répond presque spontanément. Son meilleur et son pire souvenir se regroupent en un seul. Il s'agit de ses championnats du monde. En pleine préparation, il sent les prémisces de sa pubalgie s'installer. Il sait qu'il est en train de se blesser, qu'il devrait ralentir. Pourtant, l'envie d'aller vivre cette aventure hors normes est trop forte.

"J'y suis allé avec Poppins. On a vécu une expérience incroyable. Je sais que je suis allé trop loin, que ce n'était pas raisonnable, mais je n'ai aucun regret, j'ai vécu quelque chose d'extraordinaire avec ma chienne".

 Après une très longue convalescence, Anthony peut aujourd'hui reprendre le chemin des compétitions, avec toujours la même passion. Il s'entraine d'ailleurs avec un nouveau partenaire qui n'est autre que le fils de sa chère Poppins. Une aventure familiale qui ne semble pas prête de s'arrêter !


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