UTMB : Comment les meilleurs Ultra-traileurs s’adaptent à l’hégémonie du circuit ?

Alors que l’UTMB s’est imposé comme le circuit de référence de l’ultra-trail et capte l’essentiel de la lumière, comment les athlètes parviennent-ils à exister en dehors de cette sphère ? Car aujourd’hui, impossible de parler de trail sans parler de l’influence colossale de l’UTMB World Series.

Face à cette réalité, certains athlètes, par choix ou par nécessité, explorent d’autres chemins pour garder la main sur leur image, leur calendrier et leurs projets.

Départ de l’UTMB

UNE TOURNÉE DES MÉDIAS

Cette semaine, Mathieu Blanchard était à Paris. Brut, Quotidien, C à Vous, Néo, Stade 2, L’Équipe… Une tournée médiatique sans précédent dans le monde du trail. Et pourtant, il ne venait pas parler de l’UTMB ou de la Western States, mais d’une course quasi confidentielle : la Yukon Arctic Ultra, une épreuve disputée dans un froid polaire, avec moins de 40 coureurs au départ et inconnue du grand public… y compris de beaucoup de passionnés de Trail.

Si Mathieu Blanchard a choisi cette aventure hors norme, c’est autant pour le défi physique que pour l’expérience humaine et introspective qu’elle représente. Habitué aux grands ultras médiatisés, il s’est lancé ici dans une toute autre dimension, où la gestion du froid, du sommeil et de l’isolement devient aussi cruciale que l’endurance elle-même.

Mais au-delà de la dimension sportive, on peut se demander si ce choix n’est pas aussi une manière de prendre du recul par rapport aux grandes organisations du Trail. Cherche-t-il à s’émanciper d’un circuit où les athlètes, même élites, sont parfois relégués au second plan face aux intérêts économiques ?

Mathieu Blanchard sur BFMTV

L’UTMB : Un incontournable du trail… mais pas pour tout le monde

Soyons clairs : l’UTMB n’est pas juste une course, c’est un phénomène. Chaque année, des milliers de coureurs amateurs rêvent de décrocher leur dossard pour arpenter les sentiers mythiques autour du Mont-Blanc. Pour les élites, briller à Chamonix, c’est l’assurance d’une visibilité maximale, de sponsors ravis et d’une reconnaissance mondiale.

Mais derrière ce succès, une réalité s’impose : l’UTMB World Series a profondément transformé le trail élite. En structurant un circuit global sur un modèle proche du World Tour en cyclisme ou des circuits ATP en tennis, l’UTMB a imposé un cadre : un système de qualification complexe, une mainmise sur les plus grandes courses du monde et une concentration croissante des intérêts économiques autour de son label.

Pour certains athlètes, ce modèle limite leur liberté. Tous ne veulent pas faire une saison dictée par un circuit unique, où les choix sont de plus en plus influencés par les exigences des sponsors et la médiatisation de certaines courses au détriment d’autres.

Or, dans un sport historiquement lié à l’aventure et à l’esprit de découverte, ce format suscite des critiques. Certains traileurs estiment que la diversité des formats et des approches se réduit, et que l’ultra-trail risque de perdre en authenticité.

Mais alors, comment continuer d’exister médiatiquement sans passer par Chamonix fin août ?

Sortir du circuit : une prise de contrôle sur son image

Le Projet Alpine Connection de Kilian Jornet

Kilian Jornet : s’émanciper des circuits pour mieux briller

En 2022, Kilian Jornet a remporté l’UTMB… puis il décide de ne pas y participer en 2023. Loin de subir ce choix, il l’a transformé en opportunité. Son projet Alpine Connection en est le parfait exemple : une traversée des Alpes en gravissant un maximum de sommets à plus de 4000 m.

Pourquoi ça marche ? Parce que les projets hors normes captent l’attention. Plutôt que de suivre un calendrier préétabli, Kilian crée ses propres événements, en accord avec ses valeurs et ses envies. Une liberté totale… et une visibilité médiatique tout aussi puissante.

Mathieu Blanchard, lui, a choisi un autre levier : celui de l’aventure extrême. De prime abord, son choix de participer à la Yukon Arctic Ultra peut sembler surprenant, voire incompréhensible, pour un athlète de ce calibre.

Pourquoi s’aligner sur une course inconnue du grand public alors qu’il pourrait briller sur de grandes épreuves prestigieuses ? Parce que l’inattendu attire l’attention. Un ultra-traileur habitué aux podiums des grandes courses qui s’aventure sur une course américaine méconnue, loin des projecteurs, crée un contraste fort qui intrigue. Mathieu se positionne ainsi comme un athlète aventurier, capable de sortir du cadre traditionnel tout en captant l’exposition médiatique — parfois même supérieure à celle des événements plus conventionnels.

L’aventure de Kilian et de Mathieu illustre bien une nouvelle réalité : le storytelling est devenu tout aussi important que la performance sportive. Le circuit UTMB coexiste avec des projets personnels et des formats alternatifs (FKT, courses off, expéditions en montagne), permettant aux athlètes de jongler entre compétition et aventure.

Se réinventer : l’avenir du trail de haut niveau ?

Mathieu Blanchard à la Yukon Arctic Ultra.

La montée en puissance du storytelling et des défis hors circuit pourrait bien redessiner le paysage du trail élite. Face à une structuration croissante du sport autour du modèle UTMB, de plus en plus d’athlètes cherchent à s’affranchir des calendriers imposés pour privilégier des projets plus personnels. Une tendance déjà amorcée par des figures comme Kilian Jornet et qui pourrait s’amplifier à mesure que les sponsors et les médias s’adaptent à cette nouvelle manière de raconter le Trail.

Loin d’être en opposition avec l’UTMB, ces stratégies montrent surtout que les traileurs diversifient leurs opportunités et reprennent le contrôle de leur image.

  • Kilian Jornet créer ses propres défis et génère autant d’intérêt qu’une grande victoire.

  • Mathieu Blanchard choisit une course ultra-confidentielle et capte l’attention des médias.

  • D’autres, comme Timothy Olson ou François D’Haene, alternent entre grandes courses et aventures plus personnelles.

Aujourd’hui, un ultra-traileur ne se définit plus seulement par ses résultats, mais aussi par sa capacité à repousser ses limites et partager ses aventures. Savoir raconter une histoire peut offrir autant de visibilité qu’une victoire sur un major. Mais cette évolution interroge : le Trail ne risque-t-il pas de voir émerger une fracture entre une élite ultra-médiatisée et des coureurs performants mais moins visibles ?

Plutôt qu’un modèle unique, l’avenir du trail pourrait bien être hybride : un circuit mondial structuré pour ceux qui veulent la compétition pure, et une scène parallèle où les athlètes explorent des projets plus libres et authentiques mais tout aussi médiatiques.

Une chose est sûre : les ultra-traileurs ne comptent pas être de simples pions dans le jeu du calendrier. Désormais, ils écrivent leur propre histoire.

Et toi, tu en penses quoi ? Vers quel modèle va le trail de demain ? Dis le nous en commentaire !

Pour aller plus loin

Le trail évolue, et pas seulement sur le plan médiatique. Dans le dernier épisode du podcast Dans la Tête d’un Coureur, Mathieu Blanchard raconte son aventure hors norme sur le Yukon Arctic Trail. Comment se prépare-t-on à un tel défi ? Que se passe-t-il dans la tête d’un athlète face à l’abandon ?

Mais cet épisode, c’est aussi l’occasion de décrypter l’évolution du trail grâce à la grande enquête CAMPUS Coach (13 000 traileurs interrogés) :

  • Pourquoi de plus en plus de traileurs courent aussi sur route ?

  • Peut-on progresser sans accès aux montagnes ?

  • Pourquoi seulement 43 % suivent un plan d’entraînement ?

  • L’ultra-trail fait rêver, mais pourquoi la majorité préfère-t-elle les formats plus courts ?

🎧 Écoutez dès maintenant le nouvel épisode de Dans la Tête d’un Coureur, disponible sur toutes les plateformes de streaming !

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