UTMB : comment oeuvrer pour l’inclusion des minorités ?
L’UTMB est une véritable institution dans le monde de l’ultra-train, attirant des traileurs de tous horizons et de tous profils. Pourtant, les hommes représentent une immense majorité des participants. Alors, comment favoriser l’inclusion des minorités ? Nicolas Lagrange, directeur des opérations du groupe UTMB, a accepté de nous répondre.
UTMB : Favoriser l’accès des femmes à l’ultra-distance
L’accès des femmes à la pratique sportive et aux compétitions est un sujet brûlant dont le groupe UTMB a décidé de s’emparer, particulièrement depuis 2023.
La « politique de grossesse » : favoriser l’inclusion
Cette année là a en effet été marquée par la mise en oeuvre de la « politique de grossesse », que Nicolas aimerait plutôt renommer « politique d’accueil de l’enfant ».
Cette initiative permet aux femmes et à leurs conjoints de bénéficier d’un report d’inscription ou d’un remboursement complet du dossard en cas de naissance, d’adoption ou de GPA dans les pays qui l’autorisent.
Les garanties courent durant 5 ans pour les femmes et 2 ans pour les conjoints. S’agissant des courses sans tirage au sort comme la TDS, le délai est de 2 ans.
Ce dernier peut sembler important, mais il est en réalité relativement court eut égard à la difficulté de la préparation d’un ultra-trail. Chaque femme étant différente, la durée d’arrêt du sport peut varier de façon significative. Lorsque l’on connait la rigueur et le temps nécessaires pour préparer une épreuve aussi difficile, ces 5 années paraissent finalement bien courtes. Bien sûr, c’est une initiative louable et encore jeune qui est amenée à évoluer. En 2024, une quarantaine de personnes en ont bénéficié sur l’épreuve UTMB, 112 sur l’ensemble des événements du groupe en France.
S’agissant du délai laissé aux conjoints, Nicolas nous explique :
« Environ 40% des coureurs qui ont sollicité cet aménagement sont des hommes. En fait, cela bénéficie indirectement aux femmes. »
Ce chiffre, pour le moins étonnant, est en réalité assez révélateur de la tendance évolutive de notre société.
Les femmes sont encore largement minoritaires dans le sport mais leur nombre tend à augmenter et met en évidence un désir de s’imposer dans la sphère sportive. Les hommes quant à eux sont davantage sensibilisés et désireux de s’impliquer dans la grossesse et l’éducation de leurs enfants. Le report du dossard permet donc au futur papa de réduire sa pratique sportive et son volume d’entrainement souvent très important pour préparer ce type d’épreuve.
Inclusion : comprendre les enjeux des femmes autour du sport
Bien sûr, l’inclusion des femmes ne concerne pas seulement la grossesse. C’est une problématique beaucoup plus large qui englobe les spécificités féminines, la sécurité mais aussi la médiatisation.
Actuellement, les femmes représentent environ 23% des participants à l’UTMB toutes courses confondus. Plus les distances augmentent, moins le pourcentage est important. Par exemple, elles sont 29,6% sur l’OCC, 21,5% sur la CCC et 13,10% sur l’UTMB. La TDS quant à elle ne compte que 10% d’athlètes féminines. Le trail longue distance accuse donc un certain retard comparé à la course sur route qui parvient, sur certains événements, à la parité. Les chiffres sont tout de même en hausse et laissent deviner une volonté de plus en plus grande des femmes de participer aux épreuves longues.
Conscient de tous ces enjeux, l’UTMB a mis en place des groupes de discussion avec des athlètes féminines pour établir les priorités et déterminer les solutions les plus adéquates aux problématiques soulevées. Les observateurs ont aussi constaté que es épreuves australiennes et sud américaines connaissent un taux d’inscription féminine plus élevé que la moyenne et ont décidé de s’intéresser au phénomène. Il semblerait que cela soit principalement culturel : les femmes étant davantage incités à se mettre au sport et à poursuivre leur pratique même une fois la barrière fatidique de l’adolescence passée. Le constat n’est pas une fatalité.
Ainsi, des initiatives simples ont été mises en place comme par exemple la mise à disposition de produits d’hygiène féminine sur les ravitaillements, ou encore la présence de WC séparés. Ces mesures concrètes doivent permettre de rassurer les potentielles coureuses quant aux principales difficultés spécifiques qu’elles pourraient rencontrer sur la course.
Mais pour toucher un nombre plus important d’athlètes féminines et les inciter à sauter le pas, il faut valoriser les participantes et les mettre en valeur durant l’événement. C’est pourquoi le groupe UTMB a tenu à diviser le temps d’audience du suivi live de façon totalement équitable. Les femmes ont autant de temps à l’antenne que les hommes pendant l’épreuve. Il serait toutefois intéressant d’analyser les sollicitations médiatiques postérieures à l’événement. Il y a fort à parier qu’elles concernent principalement les athlètes masculins. L’effort doit être collectif et ne peut peser uniquement sur l’organisateur. Les médias et les partenaires doivent eux-aussi prendre leurs responsabilité et consacrer davantage de budget, temps d’écran et temps de parole aux femmes, notamment chez les élites. Chaque mise en avant est une chance de toucher de nouvelles sportives.
Prouver que c’est possible, voilà ce qui peut faire tomber les derniers verrous et mener vers un sport plus inclusif. Ainsi sécurité, facilité et visibilité semblent être les principaux leviers pour permettre d’écrire le futur du trail au féminin.
Inclure les enfants dans l’aventure UTMB
Mais un autre sujet directement lié à la grossesse vient rapidement s’imposer aux nouveaux parents : l’enfant.
« Nous avons mené une enquête sur les freins à la pratique rencontrés par les femmes. Seules 2% ont mentionné le système de garde. » explique Nicolas Lagrange.
Malgré le succès incontestable des modèles anglo-saxons, qui proposent des systèmes de garde, des animations, une véritable expérience adaptée aux enfants, le groupe UTMB n’est pas aujourd’hui convaincu de l’utilité de mettre des mesures en place.
Plusieurs groupes de travail ont toutefois été mis en place pour suivre l’évolution de cette problématique et envisager des mesures adéquates si elles deviennent nécessaires.
Les formats courts par exemple, pourraient proposer des systèmes de garde à la journée. Mais sur les formats longs les enjeux législatifs et l’importance des moyens à consacrer ne permettent actuellement pas d’envisager des solutions concrètes, surtout en l’absence d’une véritable demande.
Cependant, l’UTMB ne met pas les enfants de côté ! Plusieurs courses ont été créées spécialement pour eux. La YCC pour les adolescents et le mini UTMB pour les plus jeunes rencontrent un beau succès aussi bien auprès des parents que de leurs progéniture.
Partager les valeurs du sport dès le plus jeune âge, associer les enfants à la pratique de leurs parents… Voilà la volonté affichée de l’UTMB.
Handicap, diversité : l’UTMB tente de faire tomber les barrières
Nous avons consacré un article à la Team Adaptive montée par Boris Ghirardi que vous pouvez retrouver ici.
Mais comment le groupe UTMB favorise l’inclusion des personnes en situation de handicap concrètement hors de cette initiative novatrice ?
Pour toute personne concernée, la première étape est de remplir un formulaire qui doit ensuite être approuvé par l’organisation. Dès que dossier est validé, l’athlète peut bénéficier d’aménagements variés.
Des guides tout d’abord, peuvent accompagner un coureur sur tout le parcours, sur certaines sections, en relai ou non… Tout est possible avec pour seule priorité : le bien-être et la sécurité. La plupart des guides sont sélectionnés directement par les participants, mais l’organisation reçoit de plus en plus de candidatures pour assister un athlète en situation de handicap. Blandine L’Hirondel par exemple, a proposé ses services.
Sur l’événement, le directeur de course a la responsabilité d’informer les personnes du staff qui peuvent impacter la course de la présence d’un athlète bénéficiaire du dispositif. On pense notamment aux bénévoles sur les ravitaillements, mais aussi aux aiguilleurs par exemple.
Enfin, chaque coureur peut demander à bénéficier d’aménagements spéciaux, qui sont totalement sur mesure. Par exemple, des athlètes atteints d’autisme peuvent demander à prendre le départ hors de la foule. Des espaces d’intimité peuvent être aménagés sur chaque ravitaillement. Les possibilités sont multiples et chaque demande est prise au sérieux par les organisateurs.
Cette année, 22 coureurs ont le statut officiel dont 12 membres de la Team Adaptive. Au-delà de l’expérience personnelle, primordiale, chaque athlète participe à quelque chose qui le dépasse. Inspirer, montrer à chacune c’est possible. Voilà les enjeux autour de la mise en avant de ces sportifs aux profils atypiques. Le lien créé entre les différents participants est primordial. L’envie de faire partie d’une équipe peut motiver mais aussi rassurer les néo-coureurs qui n’oseraient pas se lancer par peur d’être isolés.
Chaque initiative, petite ou grande, ancienne ou récente, peut mener vers une meilleure inclusivité. Le sport se partage. Le trail se vit ensemble. Participons à faire tomber les barrières.
Pour tous, le marathon est une aventure, un défi qui nous pousse vers l’objectif final : la ligne d’arrivée. Pour Arnaud Tsamère, c’est un véritable chemin, celui de la reconstruction. Il nous raconte comment le sport et la course à pied l’on sauvé.