Ironman de Nice 2024 : Face à la ferveur populaire, l’incompréhensible silence médiatique
Les médias ont toujours joué un rôle prépondérant dans le rapport que l’opinion publique entretient avec l’actualité. S’agissant du sport, on constate une bonne couverture globale des événements professionnels. Mais du côté du sport amateur, des manifestations grand public qui rassemblent pourtant des dizaines de milliers de personnes sans compter les spectateurs, le traitement est bien souvent limité. Alors, quel rôle jouent les médias dans l’engouement autour de ces événements ? Prenons l’exemple de l’Ironman de Nice qui se tenait le dimanche 16 juin dans la Cité des Anges.
Ironman de Nice : les faits divers éclipsent les performances
Nous sommes dimanche 16 juin au soir. Nos oreilles sont encore emplies du son de milliers de spectateurs amassés dans les rues de Nice. Nos yeux brillent au souvenir des exploits auxquels nous avons assisté plus tôt dans la journée.
En effet, c’est aujourd’hui que se tenait le célèbre Ironman de Nice, événement qui accueillait cette année les élites féminines en plus des athlètes amateurs de tous âges, de toutes nationalités et de tous niveaux.
Rappelons que l’Ironman est une épreuve de triathlon longue distance qui comprend 3,8KM de natation, ici en pleine mer, 180KM de vélo et un marathon. Rien que ça. Parvenir à s’aligner sur la ligne de départ est l’aboutissement de mois de travail acharné et de sacrifices au quotidien. Passer la ligne d’arrivée, c’est un véritable exploit, celui d’une vie pour certains triathlètes.
Encore bercés dans l’ambiance de la compétition, l’envie nous prend de taper « Ironman Nice 2024 » dans notre barre de recherche. Le but ? Lire des lignes fraichement écrites qui reprennent les émotions, les résultats, les temps forts de la course… Ce qui rend chaque événement unique !
Seulement voilà, les actualités affichées qui apparaissent sur l’écran aux alentours de minuit sont d’un tout autre acabit. « Une passante gravement blessée lors d’un accident sur l’Ironman de Nice ». « Un homme de 24ans fait un arrêt cardiaque lors d’un triathlon à Nice ». « Nice ce dimanche : circulation perturbée et galère des usagers ».
Nulle mention des résultats, aucune mise en avant de l’ambiance pourtant survoltée qui régnait sur place tout au long de la journée. Seulement des articles à connotation négative qui dévalorisent l’Ironman, même dans la presse locale.
Bien sûr, l’incident impliquant une dame septuagénaire, percutée par un vélo sur le parcours et finalement décédée à l’hôpital des suites de ses blessures, doit être évoqué. Toutes nos pensées vont à sa famille en ce moment difficile.
Exception faite de cette situation hors normes, force est de constater que les titres du soir ne donnent nullement envie de s’inscrire pour une prochaine édition. On en viendrait presque à se demander pourquoi une telle compétition a lieu à Nice, puisqu’elle n’engendrerait qu’accidents et désagréments. Pourtant, notre équipe sur place a été particulièrement impressionnée par l’engouement autour des participants. Des abords de course bondés, des pancartes, des drapeaux, des déguisements. Partout des encouragements, de la musique, de la joie… Une véritable liesse populaire.
Le suivi de course assuré par Dans la Tête d’un Coureur fut d’ailleurs un incroyable succès avec des stories jouées par des milliers d’internautes et des reels à plusieurs centaines de milliers de vues. Le public était donc là, en attente, prêt à s’impliquer même derrière son écran.
Au lendemain de l’épreuve, rien de nouveau. Un article parait dans la matinée dans la presse spécialisée, succinct et très factuel, laissant sûrement beaucoup de passionnés sur leur faim.
Pourquoi un tel désintérêt médiatique pour un événement si populaire ?
Le traitement médiatique de l’événement porte presque à croire à un échec tant organisationnel que populaire. Il n’en était assurément rien bien au contraire.
Les explications peuvent être multiples et le débat est ouvert.
Tout d’abord, la ligne éditoriale de nombreux médias incite à mettre en avant ce que l’on nomme les « faits divers ». Là où l’Ironman de Nice ne rentrait pas dans cette catégorie, les incidents qui s’y sont produits y trouvent parfaitement leur place.
Pour illustrer cette idée, il est possible de citer un autre événement de ces derniers jours à l’issue particulièrement tragique : l’Ultra-trail du Haut-Giffre. Les conditions météorologiques désastreuses ont forcé les organisateurs à mettre fin à la course et rapatrier les coureurs. L’un d’entre eux a trouvé la mort des suites d’un arrêt cardio-respiratoire tandis que 3 hommes ont été hospitalisés pour blessures, leurs jours n’étant pas en danger. L’actualité a été reprise dans bon nombre de médias bien au-delà de la presse spécialisée. Tous les regards se sont tournés vers la Savoie alors qu’une enquête a été ouverte pour « recherche des causes de la mort et mise en danger de la vie d’autrui ». La couverture médiatique aurait-elle été identique si la course s’était déroulée sans encombre ? La réponse est non.
Ce serait donc la survenue de faits divers durant les événements sportifs grand public qui susciteraient l’intérêt bien plus que les épreuves elles-mêmes.
Mais pourquoi passer du tout au rien et inversement ? Chaque média dit « classique » comporte quelques pages ou une rubrique dédiées à l’actualité sportive. On y retrouve les résultats des derniers matchs de football professionnels, des courses de chevaux ainsi que les actualités plus larges mais pour la plupart liées à la pratique purement professionnelle. Peut-être serait-il intéressant de mettre en lumière les événements sportifs amateurs de moyenne et grande envergures ? À l’image de ce qui se fait pour une petite poignée d’échéances majeures telles que le Marathon de Paris ? La question reste ouverte !
Il semblerait toutefois pertinent de contrebalancer les informations négatives qui entachent un événement avec des articles plus flatteurs, avantageux, qui inciterait davantage le public à s’intéresser à ces temps forts sportifs. De même, un traitement médiatique lorsque la compétition fut un succès sans fausse note pourrait se révéler intéressante. Dans une société occidentale au taux d’obésité galopant et où les gens se désintéressent de plus en plus de la pratique du sport, cette mise en avant positive ne pourrait être que salvatrice.
Certains évoqueront sans doute une « mentalité française » qui pousseraient la presse vers des Unes moroses allant de pair avec le caractère râleur qui nous est prêté. Cela expliquerait le nombre d’articles post-course relatifs aux désagréments subis par les usagers niçois durant l’Ironman. Routes fermées, déviations multiples… Toutes ces informations avaient été communiquées en amont, ce qui exclut le caractère purement pratique de ces publications. Alors, quelle est la valeur ajoutée ? Ces dernières reflètent-elles une volonté de limiter les manifestations sportives de grande ampleur ? Est-ce simplement la réponse à une demande de la population locale qui souhaite que leurs difficultés soient reconnues ? Peut-être aussi que faire l’état des lieux permettra de mettre en place de nouvelles dispositions pour résoudre une partie des problématiques, si cela remonte aux autorités compétentes.
Toujours est-il qu’un tel traitement de l’événement, bien plus mis en avant que le contenu de la course elle-même, ne joue pas en la faveur du triathlon amateur en France. Au regard de la ferveur sur place, on ne peut que le regretter !
Ironman de Nice 2024 : Une championne restée dans l’ombre
Un autre élément saute aux yeux : le traitement de la course élite femme qui se déroulait pendant l’Ironman de Nice cette année.
Dans la Tête d’un Coureur était évidemment présent pour suivre cet événement de l’intérieur. Si vous connaissez notre mécanique de suivi de course, vous savez sûrement que nous présentons toujours en amont les favoris, portés à notre connaissance via communiqués de presse ou grâce à nos investigations. Pour la grande majorité des événements que nous couvrons, cela ne pose aucune difficulté. Pourtant, l’obtention de favorites de l’édition 2024 de l’Ironman de Nice ne fut pas chose aisée, tant la couverture médiatique en amont était quasiment inexistante. Manque d’intérêt ou conséquence d’une actualité politique brûlante ? Sûrement un peu des deux.
Observons maintenant les réactions médiatiques à l’issue de la compétition. Promis, ce sera rapide et pour cause : il n’y a presque aucune information. Il en devient même difficile de connaitre le nom de la gagnante qui ne figure dans aucune actualité « À la Une » du plus célèbre des moteurs de recherche. Il s’agissait pourtant de la course élite des femmes, un événement majeur de la saison pour les triathlètes longue distance.
La faute à un plateau élite pas assez relevé ? Loin de là, puisque la grande favorite de cette année était une star incontournable de la discipline. Lucy Charles Barclay est l’une des figures les plus emblématiques du triathlon longue distance international. Championne du Monde d’Ironman à Kona en 2023, Championne du monde longue distance en 2022… Elle possède un palmarès impressionnant et suscite un fort intérêt populaire.
Il n’y a qu’à voir la foule qui se pressait jusqu’à l’endroit où son vélo était garé en attendant le jour J pour comprendre que Lucy passionne le public. De quoi justifier un suivi médiatique conséquent ! Pas tout à fait. Son nom n’apparait nulle part lors d’une recherche pourtant ciblée : « Ironman Nice 2024 ». Une situation difficile à comprendre.
Notons tout de même la présence de quelques articles au lendemain de la course, qui mettaient en avant la très belle victoire de… Steven Galibert ! L’athlète est en effet le premier à avoir passé la ligne d’arrivée et a donc remporté haut la main cette épreuve d’exception. Bel exploit dont il peut être très fier et pour lequel il convient de le féliciter. Rappelons toutefois que l’événement était le théâtre de la course élite féminine, remportée par Lucy Charles Barclay à l’issue d’une course tout simplement incroyable qu’elle réalise seule presque de bout en bout.
Une mise en avant dans les médias inversement proportionnelle à l’exploit réalisé vient récompenser l’athlète. Heureusement, cette dernière a pu compter sur les applaudissements du public sur place, venu en nombre pour acclamer la championne de la discipline.
Au regard de cette ferveur, signe de l’intérêt des Français pour l’événement et plus largement pour les manifestations sportives grand public, peut-être peut-on se surprendre à espérer que cette fois, les médias suivent le public et se laissent enivrer par l’enthousiasme ambiant afin d’en proposer une couverture plus large et plus positive.
Pour tous, le marathon est une aventure, un défi qui nous pousse vers l’objectif final : la ligne d’arrivée. Pour Arnaud Tsamère, c’est un véritable chemin, celui de la reconstruction. Il nous raconte comment le sport et la course à pied l’on sauvé.