UTMB - Une course, des milliers d’histoires de coureurs
L’UTMB est plus qu’une course, c’est un véritable événement qui rassemble des traileurs de tous les horizons autour d’une passion commune. Derrière chaque dossard, il y a un coureur. Derrière chaque coureur, une histoire. Nous sommes partis à la rencontre d’Anthony, Jason et du navigateur Maxime Sorel.
Maxime Sorel : le navigateur des montagnes
À 38ans, Maxime Sorel écume les mers à bord des navires les plus rapides du monde : les IMOCA. En 2020, il avait terminé 10ème du mythique Vendée Globe en 82jours 4heures 30minutes et 15secondes. Fort de plusieurs années d’expérience et de succès, notamment sur des Transat, il compte bien renouveler l’expérience et sera au départ de la prochaine édition en novembre.
Mais ce n’est certainement pas l’océan qui l’a attiré au coeur de Chamonix ! Dans son coeur de marin, Maxime nourrit en effet une véritable passion pour la montagne, qu’il couple avec son attirance de toujours pour la course à pied. Très vite, il se met au trail avec sa femme Candice et constate les nombreuses similitudes entre deux disciplines d’apparence opposées.
« Du point de vue de la préparation, les deux se ressemblent beaucoup : on s’entraine, on apprend à récupérer, on optimise sa nutrition et on travaille son mental pour être prêts à tout affronter sur la ligne de départ. »
C’est ainsi que Maxime commence à se nourrir de chacun de ces sports distinctement. De son propre aveu, il n’imagine pas n’en pratiquer qu’un.
Mer vs Terre : comment arbitrer ?
Mais les difficultés ne tardent pas à apparaitre. Des doutes naissent dans l’esprit du marin qui s’interroge sur sa capacité à bien concilier ses passions sans compromettre son métier et se mettre en difficulté vis à vis de ses sponsors. Ces derniers ont d’ailleurs pu se montrer réticents face aux nombreux défis affichés.
Il faut dire qu’il y a de réelles difficultés à adapter son physique pour performer en trail ET en mer. Les marins cherchent à être musculeux, avec un haut du corps puissant mais aussi du bon gras pour tenir des semaines voire des mois en mer. A contrario, le traileur recherche la légèreté, un corps plutôt sec et athlétique. C’est un véritable travail d’équilibriste auquel le navigateur a décidé de se livrer.
Pour optimiser ses préparations et ne rien laisser au hasard, il se fait accompagner par un centre qui prend en charge l’intégralité de son entrainement : des séances à la nutrition en passant par la planification qui doit s’adapter aux courses en mer particulièrement longues.
C’est d’ailleurs grâce à cet accompagnement que Maxime a pu mener à bien l’un des plus gros défis de sa vie : le Double Everest. 5 ans de préparation pour parvenir au sommet du monde et finalement, l’aboutissement, en 2023. Il devient ainsi le premier homme à avoir fait le tour du monde en bateau et à avoir gravi l’Everest. Rien que ça. Lorsque l’envie d’abandonner se faisait trop forte, Maxime s’accrochait à la cause qu’il soutient à travers cette initiative : la lutte contre la Mucoviscidose. Pour eux, il sait qu’il ne renoncera pas et qu’il ira au bout de cette aventure.
Cap sur la CCC !
Une fois ce grand projet accompli, le skippeur tourne déjà son regard vers de nouveaux horizons. Cette fois, fini l’alpinisme, place à la course à pied, sous l’oeil aiguisé du Mont-Blanc.
Arrivé sur Chamonix avec Candice, inscrite sur l’OCC, il compte boucler les 100 kilomètres de la CCC en moins de 18 heures. Un sacré défi, optimisé une nouvelle fois grâce au centre d’entrainement qui l’accompagne.
Maxime explique :
« Ils composent des plans sur mesure, adaptés aux périodes de coupure lorsque je suis en mer. Cette année, j’ai stoppé 2 mois pour faire 2 Transat, il a fallu composer avec ça. »
Renforcement musculaire, fractionné, sorties longues… Le marin traileur n’est pas difficile : il aime tous les types d’entrainement ! Malgré tout, il a une préférence pour les défis qu’il se lance aux côtés de Candice, comme lorsqu’ils traversent ensemble l’île du Cap Vert. Car bien que compétiteur, Maxime a très bien su garder un esprit de « loisir » dans le trail qu’il n’a pas dans la navigation. Pour lui, le plaisir de courir doit rester au centre. Le résultat est secondaire et passe bien après le bonheur de partager ses entrainements avec sa moitié. Se savoir loin des podiums ne génèrent chez lui aucune frustration.
Pour autant, il ne cache pas que le trail reste un défi contre lui-même et cherche à repousser toujours plus ses limites. Comme les explorateurs découvrent le monde, il découvre ses capacités en augmentant les distances peu à peu, jusqu’à, il l’espère, prendre le départ de l’UTMB dès 2025.
Entre temps, le Vendée Globe étire son ombre sur les mois d’hiver, promesse d’une expérience hors normes, inimaginable pour beaucoup, mais pourtant loin d’être le point final pour Maxime qui a encore beaucoup d’endroits à explorer, sur terre comme en mer.
Anthony : Agriculteur, ultra-traileur et homme de coeur
Anthony nait dans une famille d’agriculteurs, qui se transmettent une exploitation d’environ 100 vaches laitières sur des générations. À 31 ans, il reprend peu à peu la flamme de ses parents qui partiront à la retraite dès l’année prochaine. Un emploi du temps chargé, des horaires à rallonge, très peu de repos hebdomadaire et des vacances qui doivent être millimétrées plusieurs mois en avance. Voilà le quotidien de cet homme au visage souriant tanné par le soleil de Mayenne.
Mais non content d’avoir un quotidien déjà bien rempli, Anthony se passionne très tôt pour la course à pied. Pour lui, hors de question de courir sur la route : il veut s’entourer de nature et de la beauté des paysages de montagne. De son propre aveu, cette discipline est un véritable échappatoire, une façon de décompresser devant l’intensité du quotidien.
Ainsi, il programme chaque année un trail en montagne avec une bande d’amis aux profils divers. Il allonge les distances, dépasse la barre mythique des 100 kilomètres à plusieurs reprises et se surprend peu à peu à rêver d’une petite course qui fait le tour du Mont-Blanc durant la fin de l’été.
Quelques courses et un tirage au sort plus tard, le voilà à Chamonix, prêt à s’élancer sur la plus longue distance qu’il n’a jamais parcourue : l’UTMB et ses 176km.
En route pour l’UTMB
Mais si chemin vers le graal des traileurs est rarement de tout repos, celui d’Anthony est semé d’embuches. Il doit courir le soir après 20h, à l’issue d’une journée passée debout. Il est tributaire de la météo pour des échéances incontournables comme les semis ou les moissons qui l’empêchent de s’entrainer. Pour maximiser ses chances de réussite, Anthony a sollicité l’aide d’un coach qui a su composer avec ce profil si particulier. Tout a été repensé : la nutrition, la charge d’entrainement, le volume… Anthony n’a rien laissé au hasard et a rapidement senti la différence :
« On ne va pas se mentir : dans l’agriculture, on mange souvent gras. Là, j’ai rééquilibré mes repas et j’ai senti le changement aussi bien sur ma forme globale que sur mes performances. »
Pour limiter le risque de blessure, l’agriculteur a fait énormément de volume en vélo. Avec des journées passées debout, cela semblait indispensable à son coach.
La force d’un collectif soudé
L’heure est maintenant venue de prendre la direction de Chamonix. À l’ombre du Mont-Blanc, Anthony ne cache pas son appréhension, mais surtout son excitation à participer à un événement aussi unique.
Ses parents sont présents pour l’encourager, laissant la ferme aux bons soins d’une apprentie. Malgré un fossé générationnel incontestable, ces derniers ont toujours soutenu leurs fils dans sa passion. La seule condition : ne pas se blesser.
« Ils m’ont toujours dit que je pouvais bien faire ce que je voulais tant que j’étais à la ferme le lendemain matin sur mes deux jambes. Je n’ai pas le droit de me blesser. C’est quand même une belle épée de Damoclès qui plane au-dessus de ma tête ».
Mais il ne sont pas venus seuls ! C’est un véritable bus qui se tient prêt à donner de la voix pour le futur finisher. Une dizaine d’amis ont ainsi fait le déplacement, de même que la compagne d’Anthony qui sera en charge du ravitaillement. Un travail d’équipe qui laisse au traileur l’espoir de terminer la course en moins de 40 heures avant de retourner auprès de son cher troupeau.
Jason : le coeur a ses raisons
À 34 ans, Jason semble avoir déjà vécu plusieurs vies. Dès sa naissance, les médecins détectent une malformation cardiaque. Durant l’enfance, cette dernière ne l’handicape pas vraiment mais il sait qu’il devra subir une lourde opération lorsqu’il sera plus vieux.
La date fatidique arrive cependant plus vite que prévue car dès 2021, l’année de ses 31 ans, ce directeur financier père de 2 enfants se voit contraint de s’allonger sur la table d’opération pour une intervention à coeur ouvert. Au réveil, il sait que la route sera longue pour récupérer. La rééducation est intense mais Jason est déterminé. Il a déjà en tête quelques objectifs qui donnent pour le moment des sueurs froides aux médecins…
La course au service de la reconstruction
Malgré sa malformation cardiaque, Jason a toujours pratiqué du sport. Son médecin l’encourage très jeune à bouger pour se maintenir en bonne santé.
En 2015, il découvre la course à pied et se prend rapidement au jeu. Il allonge peu à peu les distances, sur route d’abord et finit par s’aligner sur le mythique marathon en 2016. Devant son succès, il ne compte pas s’arrêter là, mais sa maladie va se rappeler douloureusement à lui. Devant l’évolution de son état de santé, son médecin refuse de lui délivrer un certificat lui permettant de courir en compétition. Il doit se contenter de courses loisirs, sans dépasser 140bpm. C’est ainsi que durant 4 ans, Jason met ses objectifs sportifs entre parenthèses jusqu’à son opération en 2021.
Lorsqu’il sort de l’hôpital, il part pour 6 mois de rééducation et réadaptation. Très vite, il reprend le sport. Le vélo d’abord, puis la course à pied. Il boucle ainsi un 10K un mois après l’opération. C’est avec une joie non dissimulée que le directeur financier constate qu’il peut améliorer ses chronos. Mais son objectif n’est pas là… Dès son réveil, Jason rêve de trail.
« J’ai commandé mes premiers bâtons sur mon lit d’hôpital. »
Il se fixe des jalons jusqu’à courir les 56 kilomètres de l’Ultramarin 11 mois après son opération. À l’arrivée, il est heureux mais se dit rapidement qu’il sera difficile d’augmenter les distances. Cependant, comme tout compétiteur, Jason est gourmand ! Il boucle la VVX et ses 80km pour 2700m de D+, puis dépasse la barre symbolique des 100 kilomètres sur le Trail des Templiers.
Entre temps, gagne quelques Running Stones qui lui permettent de s’inscrire au fameux tirage au sort de l’UTMB. Il saute le pas sans trop y croire. Jusqu’à la réception du mail fatidique. Celui qui a fait basculer tant de vies… Son inscription est confirmée ! Avec un mélange de peur et d’excitation, il note la date dans son agenda avec la ferme intention de passer la ligne d’arrivée.
Côté entrainement, Jason est un coureur intuitif. Pour lui, pas de plan, juste du volume effectué principalement sur les heures du midi. Il compte appliquer cette philosophie le jour de la course avec en ligne de mire un chrono entre 35 et 40 heures.
À quelques jours du départ, ce passionné a un oeil sur le Mont-Blanc et l’autre déjà tourné vers l’avenir, pourquoi pas sur la Diagonale des Fous ? Une chose est sûre, aucune porte n’est fermée !
Pour tous, le marathon est une aventure, un défi qui nous pousse vers l’objectif final : la ligne d’arrivée. Pour Arnaud Tsamère, c’est un véritable chemin, celui de la reconstruction. Il nous raconte comment le sport et la course à pied l’on sauvé.