UTMB et lutte antidopage : «On s’adapte face à la professionnalisation du trail»
« Tous des dopés ». Voilà ce qui commence doucement à se chuchoter au pied des podiums des grands trails du circuit. Face à la professionnalisation de la discipline, l’UTMB a dû s’engager et mettre en place une véritable politique antidopage. Mais est-elle suffisante ? Doit-on craindre la disparition du trail éthique ? Rencontre avec Julien Chorier, directeur sport de l’UTMB Group.
Le trail à l’épreuve du dopage
Derrière l’éthique et l’esprit trail, le dopage s’immisce insidieusement dans le milieu à mesure que la professionnalisation gagne du terrain.
Il y a quelques années déjà, une étude scientifique nommée « Prévalence de l’usage de médicaments chez les athlètes d’ultra-endurance » avait révélé une réalité inquiétante. Plus de 400 athlètes de tous niveaux avait en effet été testés via une collecte dissimulée d’échantillons d’urine au départ de l’édition 2017 de l’UTMB. Près de la moitié avait consommé au moins une substance médicamenteuse. Plus grave encore, 16,3% étaient positifs à une ou plusieurs substances figurant sur la liste des produits interdits par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA).
ÉCOUTER >> DOPAGE : LES COULISSES D’UN SYSTÈME
Fin 2023, l’athlète suisse Stéphanie Perriard, ancienne championne de body-building et traqueuse de niveau modeste, est contrôlée positif à plusieurs produits dont des hormones de croissance et des stéroïdes anabolisants. Elle écope de 9 ans de suspension.
Affaire plus retentissante en 2022 : les 2 Kényans vainqueurs de la Sierre-Zinal chez les hommes et chez les femmes sont suspendus après un contrôle positif.
Plus récemment, en 2024, le norvégien Stian Angermund, vainqueur de l’OCC en 2023, a été contrôlé positif à la chlorthalidone, un diurétique connu pour être un produit masquant.
L’augmentation significative des cas de dopage et leur médiatisation importante a poussé les athlètes à prendre la parole. Certains, comme Baptiste Chassagne, déplore une absence de contrôles pertinents et efficaces :
« Le nombre des contrôles antidopage, qui sont tous urinaires, est famélique. Ils sont seulement aléatoires pour les trois premiers de certaines grosses courses. Très peu de traileurs sont suspendus mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dopage, juste qu’il n’y a pas de contrôles ou presque. (..) Je n’ai pas eu le moindre contrôle après avoir fini l’an passé 4e sur les ultras de la Transgrancanaria et du Lavaredo, et 3e de la SaintéLyon. C’est comme si je bouclais des "courses saucissons".
Face à ces levées de boucliers, les organisateurs commencent à réagir et à prendre la problématique au sérieux.
Lutte antidopage : l’UTMB s’engage
L’année 2024 marque un tournant concernant l’engagement de l’UTMB dans la lutte antidopage. Au total, ce sont environ 100 000€ qui ont été investis.
Afin de permettre un systématisation des contrôles à grande échelle sur ses courses, le groupe s’est adjoint les services de l’Agence Internationale de Testing (ITA), un organisme indépendant qui vient désormais en renfort des agences nationales de lutte anti-dopage.
De cette nouvelle collaboration est né un règlement anti-dopage complet : “UTMB World Series Anti-doping rules”. Transparence, fiabilité des outils, conformité au code de l’Agence Mondiale Antidopage… Les objectifs affichés par le groupe sont clairs : s’engager auprès de tous les acteurs pour un trail éthique.
Sensibiliser et accompagner
Mais la lutte antidopage ne peut se faire sans l’engagement plein et entier des athlètes et des team managers. C’est pour leur offrir un vision claire et exhaustive de leurs droits, mais aussi de leurs responsabilités en la matière, que le groupe UTMB a mis en place un programme d’éducation et de sensibilisation dédié.
Des webinaires ont été proposés gratuitement par des experts de l’ITA à 14 000 coureurs et team managers. Le but ? Leur permettre de mieux appréhender les règles et les procédures antidopage en vigueur, mais aussi de mieux connaitre les dangers et les conséquences de ces substances.
À l’heure actuelle, ce dispositif de grande ampleur ne concerne pas les coureurs amateurs, pourtant de plus en plus concernés par ces problématiques comme l’a démontré l’étude précitée. Interrogé, Julien Chorier répond :
« Actuellement, ces webinaires sont axés sur les élites et une vision très compétitive de la pratique du trail. On réfléchit en revanche à proposer le même format pour les amateurs, en insistant davantage sur le volet santé et la prévention contre l’automédication par exemple ».
Cette année, les coureurs peuvent déjà bénéficier de fiches remises lors du retrait des dossards, mesure notable mais encore insuffisante au regard du développement effrayant du dopage chez les amateurs.
UTMB : l’antidopage en pratique
Après la théorie : la pratique. Comment la politique antidopage développée par l’UTMB se met en oeuvre concrètement ?
Julien Chorier explique que les contrôles antidopage ont lieu principalement sur l’arrivée des courses. Ils concernent systématiquement les athlètes sur le podium. Ils peuvent cependant s’étendre sur d’autres coureurs soit de façon aléatoire, soit lorsqu’il existe une suspicion.
Le caractère douteux de certains athlètes est cependant laissé à l’appréciation des observateurs de l’organisation. C’est encore une méthode « artisanale » qui peut paraitre un peu légère au regard des enjeux de plus en plus importants.
Trail et dopage : quelles perspectives pour optimiser les contrôles ?
Les mesures actuellement en place sur l’UTMB pour lutter contre le dopage sont certes présentes, mais encore insuffisantes.
Les contrôles à l’arrivée ont plus d’une fois montré leurs limites, notamment sur le Tour de France où aucun coureur n’est contrôlé positif durant toute la durée de l’épreuve. Certains coureurs tombent finalement par la suite.
Les athlètes eux-mêmes sont ainsi désireux de voir les dispositifs de lutte anti-dopage renforcés.
« Le renforcement des contrôles est une demande forte des athlètes. Ils souhaitent ménager la transparence et éviter les suspicions autour de leurs performances, que ce soit de la part du public ou entre eux » - Julien Chorier
Pour développer ces derniers, le milieu du trail bénéficie de plusieurs exemples concrets parmi lesquels on retrouve le dispositif ADAMS, appliqué dans le monde de l’athlétisme.
Le principe est simple : créer un groupe cible, aussi appelé « groupe de contrôle » composé d’athlètes qui vont devoir renseigner leurs informations de localisation selon un règlement précis. Les contrôles peuvent avoir lieu en amont des grosses échéances, de façon aléatoire ou suite à l’observation des courbes de performance qui peuvent se révéler étonnantes.
ADAMS permet aussi plus largement de coordonner la gestion des résultats et la répartition des contrôles, d’harmoniser la communication ou encore de faciliter la gestion des demandes d’AUT (Autorisation d’Usage à des fins Thérapeutiques). Son efficacité n’est plus à démontrer depuis son lancement en 2005.
« C’est une vraie volonté que nous avons de nous rapprocher de ce système mais la mise en place est encore complexe. Il nous faut les agents et les ressources nécessaires pour une mise en oeuvre efficiente » confie Julien Chorier lorsqu’on l’interroge sur la possibilité d’appliquer ce dispositif à l’UTMB et plus largement au monde du trail.
Des discussions et de groupes de travail sont actuellement en cours pour quantifier ces besoins et mettre en place une méthodologie complète, basée sur le système ADAMS, pour encadrer davantage la pratique du trail, particulièrement auprès des traileurs de haut niveau.
Concernant les amateurs, de plus en plus concernés, l’organisation UTMB ne cache pas que le chemin est encore long pour une systématisation des contrôles aléatoires à grande échelle. Les priorités sont aujourd’hui ailleurs bien que la question soit concrètement posée.
Un pas après l’autre, le monde du trail semble peu à peu prendre conscience des lacunes de son système de contrôle antidopage et affiche une volonté nette de s’emparer de la problématique afin d’assurer une pratique propre et éthique de la discipline.
Il y a un an et demi, Yanis, passionné de rugby, voyait sa vie bouleversée lors d’un match. Une lourde chute sur son genou lui a causé une luxation grave, déchirant tous ses ligaments. Les séquelles sont lourdes : un pied droit paralyséet une cheville rendue instable. Mais là où beaucoup auraient vu un arrêt brutal, Yanis a perçu une opportunité de résilience.