Débuter sur trail : immersion au Nice Côte d’Azur by UTMB
Comme de plus en plus de coureurs, je suis depuis quelques temps attirée par le trail. Il m’aura fallu plusieurs mois pour passer de l’idée à la pratique et pour celà, j’ai choisi les 20K du Nice Côte d’Azur by UTMB !
Petit point important : 20 kilomètres, enfin 22 pour être exacte, c’est déjà une belle distance. Dans mon cas, je suis déjà coureuse de fond. J’ai couru des distances allant jusqu’au marathon. Si vous êtes vraiment débutants en course à pied, privilégiez des distances plus courtes pour commencer. Chaque chose en son temps.
Étape 1 : décider de se lancer dans le trail
Chaque coureur a sa propre histoire. Certains commencent par les sentiers pour ne jamais les quitter, d’autres resteront toujours fidèles à la piste ou à la route… Mais de plus en plus décident d’opter pour un modèle hybride : mi-route, mi-trail et pourquoi pas un peu de piste pour certains.
En ce qui me concerne, je suis un pur produit de la route. Coureuse amatrice, sans prétention. Niveau modeste mais pas débutante. Classique quoi. Milieu de gamme diraient certains. Mais les sentiers escarpés de mon Sud d’adoption m’appellent depuis quelques temps et après les avoir arpentés en marchant, j’ai cédé à leurs sirènes parfumées de romarin et j’ai décidé d’y courir. Enfin, un peu. Car on ne va pas se mentir, commencer le trail quand on vient de la route, c’est découvrir un sacré concept : la marche. J’avoue que la rencontre a été rude. La première montée s’en souvient encore. Mes cuisses aussi. Mais force est de constater que ce qu’on dit est vrai : le trail possède un véritable attrait pour qui aime la nature, les paysages et cherche à briser quelque peu la monotonie de la course sur route.
De plus, cela permet de s’affranchir du chrono, souvent très présent lorsque l’on court sur la route. En tout cas moi, je suis conquise. Mais que ma piste piétonne se rassure, je n’en ai pas fini avec le bitume ! Pour l’heure, je décide de prendre mon premier dossard de trail.
Étape 2 : Choisir et analyser sa course
Je ne m’attarde volontairement pas sur la préparation d’un trail pour la simple et bonne raison que j’ai couru ce dernier dans le cadre d’une préparation pour Marseille-Cassis. Je n’ai donc pas suivi de prépa spécifique pour être suffisamment pertinente. J’ai tout de même travaillé les montées, les descentes et fait quelques exercices de renforcement au niveau des chevilles. C’est qu’il y a de la caillasse par chez nous !
Pour le choix de la course, les critères étaient les suivants :
Une distance raisonnable et un dénivelé acceptable pour une première expérience
Un terrain qui ressemble à mes lieux d’entrainement pour me rassurer et être sûre que mon équipement soit adapté.
Pas d’altitude. Les Alpes attendront.
Une densité suffisante pour que je ne risque pas de me retrouver seule. Oui, j’ai eu peur de me perdre.
Le 20K du Nice Côte-d’Azur by UTMB réunissait l’ensemble de mes exigences.
22 kilomètres, 700m de D+, un parcours semi-urbain avec une partie au bord de mer puisque nous faisons le tour de Saint-Jean Cap Ferrat… Tous les voyants étaient au vert. J’ai signé !
Étape 3 : S’immerger dans l’ambiance du trail
Cet événement, récent puisqu’il ne s’agissait que de la troisième édition, regroupe plusieurs distances allant du 100 miles au 20K en passant par le 100K ou encore le 50K. Les lieux de départ sont différents selon les distances, mais toutes les arrivées se font sur la mythique Promenade des Anglais. C’est en ce lieu que s’installe le village, incontournable pour retirer son dossard, suivre la course et faire des emplettes.
Je m’y rends le samedi, alors que les premiers finishers du 100M viennent de franchir la ligne d’arrivée. L’occasion unique de voir la célèbre Courtney Dauwalter arracher une seconde place historique au scratch derrière Cristofer Clemente Mora, toujours avec le même sourire qui la caractérise. Malgré leurs incroyables performances, les deux champions se sont presque fait voler la vedette par le 4ème arrivé, 3ème homme au scratch donc : Vincent Fabre. Ce dernier signe une performance exceptionnelle et inattendue pour son premier 100M. Si sa place sur le podium Hommes l’a particulièrement ému, c’est surtout l’annonce de l’obtention du ticket d’or pour le prochain UTMB Mont-Blanc qui a achevé de lui couper les jambes. Impossible de rester insensible face à tant d’émotions !
“ Je ne m’y attendais pas du tout. C’était mon premier 100M ! Je suis parti sans aucun objectif de classement mais à partir du 70/80ème kilomètre, j’ai senti que je pouvais tenter quelque chose.”
À la question de savoir s’il est heureux d’être qualifié pour l’UTMB Mont-Blanc, la réponse fuse :
“Je n’y crois pas ! Je croyais que seuls les 3 premiers au scratch étaient qualifiés. Moi, je suis arrivé 4ème. Alors quand on m’a dit que les 3 premiers de chaque catégorie étaient concernés, je me suis effondré de joie ! Pour moi, l’UTMB était un objectif à moyen terme. Je reviens de blessure et je commençais à faire quelques courses pour récolter des Running Stones, mais je ne pensais pas que je serai sur la ligne de départ dès 2025. J’irai avec la volonté de finir avec un beau chrono, mais surtout de profiter de cette chance incroyable !”
Rendez-vous à Chamonix pour encourager Vincent en 2025 !
Étape 4 : Gérer les aspects pratiques du trail
Bien sûr, ce moment hors du temps ne doit pas me faire perdre de vue la raison de ma présence ici. Direction le retrait des dossards ! Pour ma distance, aucune vérification autre que l’inscription mais soyez vigilants : consultez le site de la course et listez tout le matériel obligatoire afin de l’apporter avec vous le jour du retrait. Chaque distance comporte une liste différente qu’il faut impérativement respecter sous peine de ne pas prendre le départ. On ne joue pas avec la sécurité.
Ensuite, petit tour au point d’infos. Ce moment est mis à profit pour checker les horaires de sa vague de départ, le lieu de départ précis, les moyens de transport pour s’y rendre et tous les autres renseignements qui vous semblent nécessaires. Évidemment, les informations sont disponibles sur le site internet, mais la piqûre de rappel et la possibilité d’échanger de vive voix avec les bénévoles peuvent être rassurantes.
Le village n’est pas très grand. Il est possible d’y flâner un peu sans trop se fatiguer. Vous pouvez aussi profiter de la Promenade des Anglais, observer les arrivées des distances ultra ou vous asseoir quelques instants face à la mer. Certains se baignent encore, si cela peut vous donner des idées !
Étape 5 : Débuter, S’inspirer et découvrir
Pour ma part, j’aime profiter de l’occasion pour m’immerger dans le monde du trail, regarder les coureurs, suivre les performances et écouter les récits de certains. Une coureuse en particulier, retient toute mon attention. Elle s’appelle Catherine.
Catherine Tomasoni est à la tête d’une famille de 5 enfants. Infirmière à temps plein, elle est passionnée d’ultra-trail et participait au 100M. Peu avant son départ, elle a accepté de répondre à quelques questions.
Nolwenn : Catherine, avec 5 enfants, un travail à temps plein, comment fais-tu pour t'entraîner et ménager un équilibre entre vie personnelle, vie sportive et vie professionnelle ?
Catherine : Mon mari et moi-même avons toujours été sportifs. C’est dans notre ADN. On ne peut pas concevoir un quotidien sans sport et ce sont ces valeurs que nous souhaitons inculquer à nos enfants. Tous pratiquent une activité physique. Ils comprennent l’exigence d’un sport comme l’ultra-trail et sont très fiers de leur maman.
Je m’entraine globalement entre 12 et 18 heures par semaine, alternant entre course, vélo et un peu de renforcement musculaire. Mon mari et ma maman s’occupent des enfants pendant ce temps-là. Fut un temps où je travaillais aussi de nuit, mais lorsque j’ai commencé à préparer des ultra-trails, j’ai opté pour des horaires fixes. Je commence tôt, mais je termine le travail suffisamment tôt pour m’entrainer et profiter de ma famille ensuite.
Nolwenn : As-tu déjà pu ressentir une pression, de la part de ta famille ou de l’extérieur quant à tes nombreuses heures de pratique sportive ?
Catherine : Bien sûr ! Du côté de ma famille, ils râlent parfois c’est vrai. Mais chaque moment que je leur consacre est à eux à 100%. On trouve un équilibre tous ensemble.
Parfois, pendant que je cours, je culpabilise. Quand on fait de l’ultra, on a des heures pour refaire le monde et réfléchir. C’est là que ces pensées peuvent me traverser l’esprit. Je me dis que je pourrais être avec mes enfants, en famille. Mais très vite, je me reprends : je sais que je suis ici par passion et que tous sont derrière moi, à m’encourager.
En revanche, le regard extérieur est moins indulgent. Je reçois beaucoup de remarques, particulièrement d’autres femmes. Elles ne comprennent pas comment je peux pratiquer autant de sport au détriment d’autres priorités comme le ménage, les courses, les enfants… Peut-être ressentent-elles une certaine frustration face à ma pleine liberté ? En tout cas qu’elles se rassurent, ma maison est propre et tout le monde mange à sa faim : on a simplement une répartition des tâches égale entre mon mari et moi.
Quoi qu’il en soit, je répète toujours cette phrase : Il faut être une femme épanouie pour être une bonne mère. C’est comme un mantra qui m’accompagne dans les moments de doute.
Catherine passera la ligne d’arrivée en 40h24. Mais malgré cet exploit, sa plus grande réussite est sûrement la magnifique leçon de vie qu’elle a délivrée, presque malgré elle, à tous ceux qui ont croisé sa route sur cet événement. Bravo Catherine.
Étape 6 : Courir un trail long
Maintenant, c’est mon tour. Mes 20K peuvent paraître dérisoires comparés aux courses des athlètes que j’ai rencontrés, mais chacun son Everest. Équipée de mon gilet de trail, de deux flasques et de deux gels, je trottine tranquillement vers ma destination. Le port de Saint-Jean Cap Ferrat n’est pas accessible aux voitures et les places de parking sont très rares. Un système de navette au départ de Nice est mis en place par l’organisation, mais il faut tout de même marcher une vingtaine de minutes pour atteindre le point de départ. Parfait pour s’échauffer.
Je ne suis pas vraiment stressée. Je me sais capable de boucler la distance, je n’ai aucun objectif de temps et en l’absence d’index UTMB, je pars dans la toute dernière vague. En effet sur les courses UTMB, les vagues sont déterminées par niveau en fonction de votre Index. Plus il est élevé, plus vous partirez dans une vague rapide. Cette fois, je pars parmi les derniers et ça me va très bien.
Il est 8h sur le port de Saint-Jean Cap Ferrat. Le soleil achève de se lever et les sublimes nuances de rouge laissent peu à peu place à un ciel grisâtre. Il est temps pour moi de courir.
Un peu avant le départ, j’échange quelques minutes avec Charlotte, 20ans. Cette étudiante en psycho est la plus jeune participante à l’événement. Elle vient tout juste d’atteindre l’âge minimum d’inscription et est particulièrement heureuse d’être sur la ligne de départ.
Elle m’explique :
“Ça fait seulement 2 ans que je cours. J’ai été initiée au trail par ma marraine qui vivait à La Réunion et m’a attirée dans une randonnée qui s’est révélée plus intense que prévue. Depuis, je n’ai jamais arrêté. Je cours pour le plaisir, pas pour un chrono. Courir dans la nature, profiter des paysages, c’est ça qui me plait. Je suis surprise de voir si peu de jeunes de mon âge ! En ce qui me concerne, ne pas pouvoir m’inscrire plus tôt a été une vraie frustration, surtout que la course passe par mes terrains de jeux favoris, moi qui suis du coin ! Mais cette année, c’est la bonne !”
Lorsque je lui demande ce que je peux lui souhaiter pour la course, mais aussi pour la suite, la réponse est très claire :
“Je veux finir, profiter, mais aussi apprécier mon évolution car sans me mettre de pression, je me suis tout de même bien préparée. Pour la suite, mon rêve comme pour beaucoup, c’est l’UTMB Mont-Blanc. Mais pas avant des années évidemment ! J’aimerais d’abord continuer à progresser et pourquoi pas tenter les 50K de l’OCC !”
Le GO retentit et la course démarre. Le parcours tient ses promesses : sentier côtier sans grande difficulté sur les premiers kilomètres, puis les fameux escaliers. Le tracé prévoit que nous affrontions une grande partie du dénivelé dans les 11 premiers kilomètres. Au regard des 8 premiers vraiment plats, je devine très vite que ça va grimper sec. Gagné. Nous commençons une belle ascension qui offre une vue imprenable sur la Baie des Anges. Concentrée sur mon effort, je suis rapidement confrontée à une spécificité du trail que l’on rencontre moins sur route : la difficulté à doubler. Le sentier est étroit et les démarches hésitantes. Difficile d’anticiper les mouvements des coureurs de devant et de se faufiler. Il faut prendre son mal en patience et compter sur la coopération de tout le monde.
Pour cette première expérience, je n’ai pas de bâtons. Je n’ai pas pris le temps d’apprendre à bien les utiliser et connaissant le type de parcours, je savais pouvoir m’en passer. En effet, je n’en ressens pas l’utilité et j’arrive en haut de cette jolie montée sans encombre. Là, le terme “relance” prend un sens nouveau. Après plusieurs dizaines de minutes à grimper en sentant les jambes chauffer, voilà qu’il faut se remettre à courir. Pire : il faut se remettre à courir en descente. Mamamia les cuisses ! Une fois la surprise passée, je m’habitue à cette sensation et c’est tant mieux puisque la pente se raidie et à la route du plateau succède un étroit sentier rocailleux. Avant cela, passage au ravitaillement. Trail oblige, aucun contenant n’est distribué. On peut remplir ses flasques aux différents robinets et demander à se faire verser une boisson dans son propre gobelet.
Dans la descente à nouveau, doubler devient difficile. Cette fois, les bras s’agitent de façon anarchique pour amortir les pas, les pieds glissent et les corps chutent parfois lourdement. Il faut rester vigilante et faire sa descente sans gêner les autres. Mon expérience des chemins de Provence me permet une nouvelle fois de m’en tirer sans difficulté et je commence réellement à prendre goût à ces changements de terrain qui me font oublier le temps et les kilomètres qui défilent. Je prends chaque étape comme une découverte, un jeu qui me mène droit vers l’étape suivante.
De retour sur la route, je regrette un peu le paysage que j’ai pu admirer là-haut, mais je profite du bitume pour relancer entre différentes volées d’escaliers. En montant, en descendant… C’est simple : il y en a partout ! Les derniers m’emmènent droit vers le château qui surplombe Nice, avec sa magnifique cascade qui me rafraîchit légèrement. Je sais qu’il ne reste qu’à redescendre et longer le port direction l’arrivée. Après la fameuse ultime accélération du champion (faites pas les innocents, vous savez de quoi je parle), me voilà médaille au cou, sourire aux lèvres, fière et heureuse de cette première expérience.
Étape 7 : Être fière et partager
Je ne peux pas dire que j’ai découvert de nouveaux paysages, habitant la région. Je ne peux pas non plus dire que j’ai arpenté des sentiers inédits. Pourtant, je peux affirmer que j’ai vécu une expérience unique : courir mon premier trail.
J’en ressors avec quelques courbatures, vite effacées par la satisfaction du travail accompli et le bonheur d’avoir réussi ma rencontre officielle avec cette discipline.
Pour terminer en beauté, j’échange quelques mots avec Alain, 78ans, doyen de l’épreuve. À son âge, ce médecin du sport à la retraite court encore 120 km par semaine et participe pour la 3ème fois à cette course.
“Tant que je pourrai continuer, je serai là. J’aime courir, ça fait partie de mon équilibre. J’ai couru des distances plus longues bien sûr, j’ai notamment participé à l’OCC ! Mais aujourd’hui, je n’ai plus rien à prouver. Je veux simplement profiter, discuter avec moi-même à chaque sortie, m’amuser et continuer de pratiquer ma passion aussi longtemps que mon corps me le permettra.”
C’est sur ces sages paroles que je rentre chez moi des souvenirs plein la tête, des escaliers plein les cuisses, et une furieuse envie de remettre ça dans le cœur !
Pour tous, le marathon est une aventure, un défi qui nous pousse vers l’objectif final : la ligne d’arrivée. Pour Arnaud Tsamère, c’est un véritable chemin, celui de la reconstruction. Il nous raconte comment le sport et la course à pied l’on sauvé.