Cinq idées reçues sur le lactate à oublier (définitivement)

Depuis des années, le lactate – que l’on confond souvent avec l’acide lactique – est accusé de tous les maux du coureur. Fatigue, courbatures, acidité musculaire… On l’a longtemps considéré comme un déchet toxique qu’il fallait à tout prix éliminer. Problème : la science a évolué, mais les croyances ont la vie dure.

Voici un petit tour d’horizon des idées reçues qui mériteraient de passer… à la corbeille. 

  • Le lactate provoque les courbatures 

Faux, et même archi-faux. 
C’est sans doute l’idée reçue la plus tenace. Pourtant, le lien entre lactate et courbatures est un mythe largement démonté. Les fameuses douleurs qui apparaissent un ou deux jours après un entraînement soutenu ne sont pas liées à une accumulation de lactate, mais à de microlésions musculaires, souvent dues à des contractions excentriques (comme lors des descentes ou des freinages musculaires). 

Le lactate, lui, est évacué en quelques heures après l'effort. Si vous avez les jambes en béton deux jours après un trail, ce n’est donc pas lui le responsable. 

  • Il faut éliminer le lactate après l’effort 

Encore une idée reçue bien ancrée. 
On entend souvent qu’il faudrait « drainer » ou « nettoyer » l’acide lactique après une séance difficile. C’est oublier une chose essentielle : le lactate est une ressource, pas un poison. C’est une molécule que votre corps sait recycler pour produire de l’énergie. Il est utilisé par les fibres musculaires de type I (les lentes) mais aussi par le cœur, et peut être reconverti en glucose par le foie via le cycle de Cori. 

Moralité : inutile de chercher à le « purger ». Il vaut mieux apprendre à l’utiliser. 

  •  Certains compléments permettent de le neutraliser 

Méfiance devant les promesses marketing. 
On voit fleurir des produits vantant leur capacité à « neutraliser l’acide lactique » ou à « éviter son accumulation ». Mais la réalité est un peu moins sympa : ce n’est pas tant le lactate qui pose problème, mais notre capacité à le gérer, à le recycler, à l’utiliser intelligemment. 

Et ça, aucun complément ne peut le faire à votre place. Seul l’entraînement structuré, adapté et progressif, permet d’améliorer cette compétence métabolique. Les compléments peuvent avoir un intérêt ponctuel, mais ils ne remplaceront jamais la base physiologique. 

  • Plus on produit de lactate, plus on est fatigué 

Pas forcément. 
Ce raisonnement repose sur une lecture un peu trop linéaire du fonctionnement musculaire. Il est vrai qu’à haute intensité, la production de lactate augmente. Mais un coureur entraîné est capable de produire beaucoup de lactate… et de le recycler rapidement, ce qui lui permet de soutenir un effort intense sur la durée. 

Un athlète élite peut même produire plus de lactate qu’un amateur lors d’un 10 km… tout en terminant avec une sensation de fraîcheur relative, car son organisme est rodé à le traiter efficacement. Ce n’est donc pas la production de lactate qui fatigue, mais l’incapacité à l’éliminer ou à le convertir rapidement en énergie. 

  • Le lactate acidifie les muscles 

Une confusion fréquente mais scientifiquement erronée. 
Contrairement à ce que l’on croit encore parfois, ce n’est pas le lactate qui provoque l’acidité musculaire. Lors d’un effort très intense, ce sont les ions H+ – libérés lors de la glycolyse anaérobie (la dégradation du glucose en l’absence d’oxygène) – qui font baisser le pH musculaire, provoquant cette fameuse sensation de brûlure. 

Le lactate est en fait un produit parallèle, pas le coupable. Il accompagne ces ions H+ mais ne les génère pas. Certains chercheurs estiment même qu’il pourrait faciliter leur sortie hors des cellules, ralentissant ainsi l’acidification. Une sorte de « coéquipier » biochimique, en somme. 

Bonus : et le cerveau dans tout ça ? 

La fatigue musculaire ne se résume pas à une simple histoire de lactate ou d’acidité. Le système nerveux central joue également un rôle clé. Lors d’un effort prolongé, le cerveau peut volontairement limiter l’activation musculaire pour éviter une surcharge excessive – un mécanisme protecteur parfois appelé « gouverneur central ». On en reparlera dans un prochain épisode… 

💡 En résumé : le lactate est un carburant, pas un déchet. Un indicateur de progression, pas un signal d’alarme. Et surtout, une ressource précieuse pour tout coureur qui souhaite performer durablement. Il est temps de réhabiliter cette molécule mal comprise, et de l’inviter à la table des alliés de l’entraînement. 

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