Le rôle de l’acide lactique en course à pied
Imaginez : vous êtes en pleine séance de fractionné, le souffle est maîtrisé, les jambes répondent… puis soudain, tout bascule. Les muscles brûlent, la foulée se désunit, et la performance s'effrite. En bord de piste, le coach lance : « C’est l’acide lactique ! » Ce vieux coupable idéal à qui l’on attribue fatigue, baisse de performance, voire courbatures. Et si cette mauvaise réputation n’était pas justifiée ?
En réalité, le lactate – car c’est de lui qu’il s’agit – pourrait bien être l’un de vos meilleurs alliés à l’entraînement.
De la fermentation au fractionné : petit historique du lactate
Découvert au XVIIIe siècle dans le lait fermenté (d’où son nom), le lactate commence à être associé à la fatigue musculaire en 1929, grâce aux travaux du biochimiste Otto Meyerhof. En observant que des muscles privés d’oxygène produisaient du lactate, la conclusion fut rapidement tirée : effort intense = lactate = fatigue. Une simplification un peu rapide.
Pendant des décennies, on a confondu corrélation et causalité. Ce n’est que bien plus tard qu’on comprendra que le lactate n’est pas un déchet toxique… mais un véritable carburant.
Lactate ou acide lactique : faisons le tri
Premier point important : ce que l’on appelle communément « acide lactique » est une imprécision. Lors d’un effort, l’acide lactique se dissocie immédiatement en lactate (la molécule utile) et en ions H+ (les véritables responsables de l’acidification musculaire et des sensations de brûlure).
Autrement dit, ce n’est pas le lactate qui fait mal. C’est l’environnement acide qui l’accompagne.
Un carburant sous-estimé
Loin d’être un simple sous-produit de l’effort, le lactate joue un rôle central dans notre métabolisme. Il est utilisé comme source d’énergie par les fibres musculaires lentes et par le cœur, notamment lorsque l’oxygène vient à manquer. Transformé en pyruvate, il entre ensuite dans les mitochondries pour produire de l’énergie.
Mieux encore : une partie du lactate est recyclée par le foie via le cycle de Cori, pour être reconvertie en glucose. Résultat : il aide à maintenir la glycémie et à reconstituer les réserves énergétiques.
Le seuil lactique, véritable point de bascule
Ce qui provoque la sensation de fatigue musculaire, ce n’est pas la présence de lactate, mais le dépassement du seuil lactique. Tant que l’organisme parvient à éliminer les ions H+ et à recycler le lactate, tout fonctionne. Mais lorsque ce seuil est franchi, les déséquilibres s’installent : les muscles brûlent, l’effort devient plus difficile, et la performance décline.
L’entraînement vise précisément à repousser ce seuil, pour tolérer des efforts plus intenses et prolonger l’endurance.
Les athlètes de haut niveau excellent dans cette gestion du lactate : ils le recyclent efficacement, retardant ainsi l’apparition de la fatigue.
Crédit : Lepape.info
Faut-il tester son seuil lactique ?
Autrefois réservé aux sportifs professionnels, le test de lactate sanguin devient aujourd’hui accessible à un public plus large. Il permet d’identifier les zones d’intensité optimales pour l'entraînement. Concrètement, on mesure la concentration de lactate dans le sang à différents niveaux d’effort pour estimer le moment où la production dépasse l’élimination.
S’il présente un réel intérêt pour optimiser les allures d’entraînement ou prévenir le surmenage, ce test a aussi ses limites : nécessité d’un matériel spécifique, complexité logistique, et interprétation parfois délicate. Le lactate circule dans tout le corps, ce qui peut fausser la lecture des données.
Pour la majorité des coureurs, la fréquence cardiaque ou la perception de l’effort restent des outils tout aussi pertinents.
Le bicarbonate, remède miracle ou fausse bonne idée ?
Depuis peu, le bicarbonate de sodium fait un retour remarqué dans le monde du sport. Son rôle ? Agir comme tampon contre l’acidité générée par les ions H+ lors d’un effort intense. Théoriquement, il permettrait donc de prolonger la performance. Mais ce n’est pas nouveau : cette méthode existe depuis les années 1970.
Le problème ? Sa digestibilité. Pris en trop grande quantité, il peut provoquer des troubles gastriques. De nouvelles formules cherchent à pallier ce défaut, mais les effets restent variables selon les individus.
Le bicarbonate semble surtout pertinent pour des efforts courts et intenses (entre 1 et 10 minutes). Son intérêt en endurance longue reste limité et controversé.
Conclusion : réconcilions-nous avec le lactate
Le lactate n’est pas un adversaire à abattre. C’est un carburant, un indicateur de progression, un élément-clé de notre métabolisme à l’effort. Plutôt que de le combattre, il convient de l’apprivoiser.
Chaque séance de tempo, chaque fractionné contribue à améliorer sa gestion. Et si vos muscles brûlent en fin d’exercice, dites-vous que ce n’est pas un échec, mais le signe d’un corps qui apprend, s’adapte, et devient plus résistant.
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