Tout savoir sur le sommeil du coureur (Part 2)
Le sommeil a un rôle central dans la vie du coureur. Il est en effet étroitement lié à la performance mais aussi aux risques de blessures. Pourtant, il est courant d'entendre que l'entrainement aurait des effets néfastes sur le sommeil des athlètes. Alors, quel est finalement le rôle du sommeil chez le coureur?
Pour bien démarrer...
A écouter >> Tout savoir sur le sommeil du coureur (Part.1)
Dans cette partie 2, nous allons nous intéresser au rôle du sommeil dans la performance, dans la prévention des blessures, les impacts du sommeil sur notre métabolisme et sur notre récupération énergétique, sans oublier la question des siestes et des effets positifs ou négatifs de nos entraînements sur le sommeil.
Mais avant cela, nous souhaitons vous mettre en garde sur les études autours du sommeil. Il y a encore un certain manque de recul, le sommeil est vraiment étudié depuis une quinzaine d'années seulement. Il y a aussi des biais autour des études qu’il ne faut pas prendre comme vérité absolue. Aujourd’hui nous trouvons autant d’études qui minimisent les bienfaits du sommeil que celles qui les maximisent.
Durée de sommeil et espérance de vie
Quand nous regardons les études autour du temps moyen passé au lit à dormir chez les hommes et les femmes entre 15 et 64 ans dans le monde on s'aperçoit qu’il y a d'énormes différences entre les pays.
Par exemple, l'Afrique du Sud et la Chine sont les pays où on dort le plus (9h13 en Afrique du Sud et 9h01 en Chine). A contrario, les Coréens et les Japonais sont ceux qui dorment le moins avec 7h41 pour les Coréens et “seulement” 7h22 chez les Japonais, soit presque 2h de moins que les Sud-Africains. Pour autant, les Japonais sont l’un des pays avec la plus longue espérance de vie avec une moyen de 84,6 ans (pour la petite info, ils sont juste derrière les Monégasques avec 87 ans).
L'entraînement a-t-il un impact positif ou négatif sur le sommeil du coureur?
Pour bien récupérer dormir ne suffit pas, il faut aussi BIEN dormir (et en particulier quand on est un sportif). Souvenez-vous dans l’épisode 1 nous avons présenté une étude qui a comparé les habitudes de sommeil chez 47 athlètes olympiques avec celles d'un groupe témoin composé de personnes du même âge et du même sexe mais ne pratiquant aucun sport. Cette étude révèle que le groupe des athlètes a passé un total de 8h36 au lit contre 8:07 pour le groupe témoin.
Mais cette étude a également révélée que même si les athlètes ont passé plus de temps au lit, la latence du sommeil (c’est à dire, le temps mis pour s'endormir) du groupe des sportifs a été plus de 2 fois plus longue que dans le groupe témoin. Le sommeil a également été moins efficace (pour une durée du sommeil similaire). L’estimation de la qualité du sommeil a été réalisée à l'aide de l'actigraphie et de différents moniteurs d’activité et non sur du déclaratif. De plus, ces données ont été recueillies pendant une période d'entraînement normale sans compétition.
En bref, cette étude a permis d'observer qu’il existe d'importantes différences dans la qualité du sommeil chez les athlètes par rapport aux sédentaires.
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Alors évidemment, il se peut que ce trouble du sommeil ne soit pas directement lié aux entraînements. Il peut aussi résulter de mauvaises habitudes liées aux séances d'entraînement (très matinales ou très tardives) ou à d'autres facteurs comme regarder la télévision au lit ou une consommation de caféine trop importante... Mais elle a quand même le mérite de nous interroger sur l’impact de notre pratique sportive sur la qualité du sommeil.
Attention à ne pas tirer de conclusion trop hâtive ! Tout d’abord, il faut bien avoir conscience que la sédentarité augmente considérablement le risque d'insomnie. Toutes les études réalisées sur l'insomnie ont démontré que l’activité physique était l’une des armes les plus efficaces pour lutter contre les troubles du sommeil.
Mais ce n’est pas tout, le sport a également des effets notamment dans le traitement et la prévention et de l'apnée obstructive du sommeil, du stress, de l’anxiété, qui sont aussi des causes majeures de d'insomnie.
Pourquoi? Tout simplement parce que la course à pied libère notamment les fameuses endorphines qui aide le corps à se détendre.
« Faire des séances tardives m’empêche de trouver le sommeil »
On entend souvent cette phrase lorsqu’on aborde la question des horaires d'entraînements. Pourtant, à ce jour aucune étude scientifique sérieuse n’est parvenue à confirmer ou infirmer cette hypothèse y compris pour les séances avec intensité.
Mais, si on compile les études et qu’on recherche les points d’accord sur les impacts de l'entraînement sur notre sommeil, on constate que :
la pratique d’activité physique moins de 4 heures avant le coucher augmente le temps total de sommeil mais en petite quantité ( moyenne 10 minutes) mais augmente aussi légèrement la latence d’endormissement. (Vous allez un peu plus dormir mais aussi mettre plus de temps à vous endormir)
le sommeil lent profond (SLP) est statistiquement augmenté, mais peu (1,6 minutes)
la latence d’apparition du sommeil paradoxal (SP) est augmentée de 11,6 minutes)
une différence significative est à noter sur la durée des éveils nocturnes. La pratique d’un exercice léger (type footing à allure fondamentale le soir) est associée à une diminution de la durée des éveils nocturnes
la pratique d’un exercice physique à haute intensité (type VMA) montre une tendance à l’augmentation de la durée des éveils nocturnes.
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Mais attention, il est important de comprendre que la pratique sportive ne produit pas les mêmes effets sur tout le monde. L’activité physique en soirée est tout à fait possible notamment pour les gens qui travaillent.
Quel est l’impact du sommeil sur nos performances sportives?
Les études sont encore rares, mais on trouve quand même quelques recherches intéressantes sur les effets du manque partiel de sommeil sur la performance athlétique.
Par exemple, il y a une étude intéressante (réalisée par Sinnerton et Reilly) qui s’est intéressée à mesurer l'effet de 2,5 heures de sommeil en moins par nuit pendant 4 nuits chez huit nageurs. Cette étude a observé que la perte de sommeil n'a pas eu d'effet sur la force du dos, la force de préhension, la capacité pulmonaire ou la performance des nageurs. En revanche, l’humeur des nageurs avait beaucoup changé, avec une augmentation de la dépression, de la tension, de la confusion, de la fatigue et de la colère ainsi qu'une diminution de l'énergie. Et là le risque c’est que l'athlète rentre dans un cercle vicieux car le stress, les troubles de l’humeur ou encore la colère génèrent souvent de l'insomnie et donc une dégradation du sommeil sur le long terme.
Encore une fois, si on compile l’ensemble des études réalisées en laboratoire, il a été constaté que les performances des athlètes ne sont pas altérées par une ou deux nuits de privation de sommeil. Cependant, pour des durées de privation plus longues (64 h), la force explosive et la force dynamique isocinétique baissent, mais cela reste faible. En revanche, elles déclinent si l'on combine intensité et durée. Par exemple, si l'on demande à des sujets de répéter des sprints chaque minute pendant une heure, on observe une régression. La durée constitue donc un paramètre déterminant en cas de manque de sommeil. Une étude à même montré une baisse de 11 % du niveau de performance lors d'un exercice de course à pied après 36 h de privation de sommeil.
Mais si ces conditions extrêmes concernent peu les sportifs dans le cadre de leur vie quotidienne il apparaît quand même qu'une baisse du temps de sommeil peut dégrader le niveau de performance aérobie après seulement deux jours de perturbation de l'emploi du temps de l'athlète. Mais là encore, c’est plus le changement de routine de l'athlète qui peut poser problème.
Par ailleurs, Cette étude révèle aussi que les altérations les plus importantes sont survenues plus tard dans le protocole, laissant supposer un effet cumulatif de la fatigue dû à la perte de sommeil .
En 2011 ont demandé à six joueurs de basketball de prolonger le plus possible leur sommeil après deux semaines d'habitudes normales de sommeil. À la fin de la période de prolongation du sommeil, leurs sprints étaient plus rapides et leurs lancers plus précis. L'humeur s'était aussi grandement améliorée, les sujets disant avoir plus d'énergie et être moins fatigués. Le même groupe de chercheurs a augmenté la durée de sommeil de nageurs à 10 heures par nuit pendant 6 à 7 semaines avant d'observer une amélioration du sprint de 15 m, du temps de réaction, du temps de virage et de l'humeur. Les données de ce petit nombre d'études laissent supposer qu'augmenter la quantité de sommeil d'un athlète peut améliorer sa performance de façon significative.
Plus le coureur dort, moins il a de chance de se blesser?
Il y a bien des études qui mettent en évidence une corrélation entre le manque de sommeil et la blessure. Cependant, ces études présentent de nombreuses limites et des biais très importants.
Considérons deux groupes d'athlètes : un groupe A qui dort en moyenne 9h par nuit et un groupe B qui dort seulement 7h par nuit. Analysons la fréquence des blessures dans les deux groupes. Nous allons trouver plus de blessures chez le groupe B. Cependant, on sait que les athlètes qui négligent leur temps de repos ont tendance également à négliger leur alimentation, leurs récupérations, la progressivité de leurs entraînements. Il faudrait un protocole parfaitement identique chez les deux groupes (même nutrition, même entraînement, même parcours socio-professionnel, même état émotionnel. Il conviendrait d'isoler seulement le facteur sommeil pour analyser réellement les impacts.
En revanche, on peut mesurer avec plus d’efficacité l’impact du sommeil sur notre physiologie, comme notre réponse endocrinienne, nos défenses immunitaires, notre métabolisme, notre récupération énergétique. Dans les faits, on sait que le manque de sommeil peut perturber la récupération de l'athlète en altérant la réponse endocrine aprés une séance. Une réduction du temps de sommeil est en effet associée à une augmentation du taux de cortisol dans le sang et à une baisse de libération de l'hormone de croissance. Cela participe à l'instauration d'un état catabolique. Les mécanismes de resynthèse des protéines musculaires sont ainsi réduits tandis que ceux de dégradation sont stimulés.
Par ailleurs, le manque de sommeil chronique engendre des perturbations du système immunitaire. Par exemple, on estime que le manque de sommeil multiplie par quatre le risque de s'enrhumer (si vous êtes souvent enrhumé, ça peut être un signe de manque de sommeil)
Évidemment, si vous êtes plus souvent malade, vous allez affaiblir votre corps. Par ailleurs, le manque de sommeil est source d'irritabilité. Vous allez donc cumuler de la fatigue mentale, de la perte de motivation et tout cela peut causer des fractures de fatigue.
En résumé, le sommeil du coureur est indispensable au processus de récupération qui vous aidera à être plus performant et à éviter les blessures, au même titre que la nutrition et l’hydratation.
Malgré des avancées notables en matière de sport féminin, de nombreux aspects biologiques, comme le cycle menstruel, restent souvent sous-estimés dans l’élaboration des programmes d’entraînement. Pourtant, mieux comprendre son cycle menstruel et ses effets sur le corps peut devenir une force pour les sportives, en optimisant les entraînements, la récupération et les performances. Juliana Antero, chercheuse à l'INSEP, nous explique les effets du cycle hormonal sur les athlètes.