Courir sans souffrir : comprendre et gérer les douleurs

La souffrance est bien souvent la vieille amie du sportif. Il apprend à l’apprivoiser, l’accepter, la rechercher parfois. Pourtant, toute souffrance n’est pas bonne à prendre. Il faut savoir distinguer chacune pour mieux les comprendre et ainsi, distinguer la douleur normale de celle qui doit alerter. C’est cette différence, parfois très mince, que nous allons étudier aujourd’hui aux côtés de Blaise Dubois de La Clinique du Coureur.

Savoir bien souffrir : apprendre à distinguer les douleurs

Traditionnellement, le moyen le plus efficace de quantifier efficacement une douleur est l’échelle visuelle analogue qui permet de donner une note sur 10. 1 étant la douleur la plus faible et 10 le maximum que vous puissiez supporter.

Bien qu’étant un très bon indicateur, cet outil de mesure peut rencontrer quelques limites, notamment auprès des populations de sportifs. En effet, ces derniers doivent distinguer deux types de douleur :

  • La douleur ponctuelle : elle peut être importante mais ne se déclenche qu’à un instant T pour ensuite disparaitre et ne pas réapparaitre lors de l’entrainement suivant.

  • L’irritation de la douleur : plus embêtante même lorsqu’elle est d’apparence plus faible, elle se poursuit à l’arrêt de l’effort et peut s’accentuer au fil des entrainements.

Ainsi, quantifier l’intensité seule ne suffit pas : il faut analyser la persistance de la douleur dans le temps.

De plus, il faut savoir différencier les douleurs centrales, physiologiques des douleurs tissulaires anormales.

Les premières ne peuvent pas être évitées dans certaines disciplines et peuvent même être recherchées lors d’entrainements en intensité. Ce sont les douleurs évoquées par les sportifs qui disent “aimer la souffrance”.

Les secondes en revanche, doivent alerter. Elles sont la manifestation d’une réaction du corps à un stress anormal ou mal quantifié. Si elles sont ignorées, elles dégénèreront souvent en blessures. Il est primordial de savoir prendre en charge ces douleurs dès leur apparition, particulièrement si l’on est un coureur amateur. En effet, les coureurs ont une perception de la douleur moins importante que la moyenne. Ce qui peut sembler relever d’une simple gêne peut se révéler être une lésion.

Courbatures : Doit-on accepter ou combattre ces douleurs ?

Voilà un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre ! À tour de rôle décriées puis encouragées, ignorées ou recherchées, les courbatures sont le lot commun de tous les sportifs et particulièrement des débutants.

Les dernières études en la matière sont formelles : les courbatures ne sont pas une nécessité pour progresser. En réalité, il est possible de se rapprocher de cette zone dite “critique” sans l’atteindre afin de déclencher des adaptations sans subir ces douleurs si célèbres.

La courbature apparait lorsque la quantification du stress mécanique n’a pas été optimisée. L’effort a été trop fort ou pas assez progressif par exemple. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les débutants ou les personnes en reprise sportive sont les premiers touchés. Bien que douloureuse, elle a un effet protecteur à long terme.

En effet, la reconstruction qui résulte des courbatures va se mettre en place de façon à ce que la zone touchée ne puisse plus en être victime pour un même effort. Ladite zone en sort donc fortifiée.

Cependant, il ne s’agit pas d’encourager les courbatures à tout prix ! Elles ne sont d’une part, pas indispensables pour progresser et peuvent même être contre-productives d’autre part car les douleurs vont souvent amener à un temps de repos ou une adaptation de l’entrainement afin de récupérer. Le chemin le plus sûr vers la performance reste donc de bien quantifier son stress en optant pour un volume et une intensité progressifs.

Anti-douleurs, froid… Sont-ils nos amis ?

Les anti-douleurs

Les anti-douleurs sont de plus en plus banalisés, particulièrement sur les épreuves de longue distance comme le trail. Il faut dire que la promesse est belle : réduire les douleurs liées à l’effort et par conséquent, pouvoir poursuivre et pousser la machine un peu plus loin. Mais c’est un peu plus compliqué.

Tout d’abord, il faut distinguer deux catégories d’anti-douleurs :

  • Les analgésiques : paracétamol…

  • Les anti-inflammatoire : ibuprofène…

Si l’utilisation des analgésiques peut parfois se justifier dans le cas d’une douleur gênante qui va venir limiter la récupération en nuisant au sommeil par exemple, les anti-inflammatoire sont à proscrire.

En effet, ils nuisent purement et simplement à l’adaptation musculaire, réduisant de façon significative les effets de l’entrainement.

Les deux anti-douleur vont dans tous les cas fausser le rapport à la douleur qui est, rappelons-le, un signal envoyé par notre corps en réaction à un stress. Bien que cela puisse se révéler utile à court terme, les effets à long terme peuvent être délétères voire mener vers la blessure.

Enfin, la prise de ces produits pendant l’effort peut se révéler dangereuse avec notamment des risques significatifs d’hyponatrémie.

Le froid

L’utilisation du froid, en local ou en immersion, est très souvent mise en avant auprès des coureurs. On ne compte plus le nombre d’offres de cryothérapie sur les lignes d’arrivée, de même que les conseils basiques en cas de douleur d’appliquer du froid.

Certaines études se sont toutefois interrogées sur la possibilité que le froid puisse nuire à l'adaptation musculaire, de la même manière qu’un anti-inflammatoire.

Il s’avère qu’il pourrait en effet interférer avec ces adaptations et se révéler totalement contre-productif.

La seule utilisation qui semblerait pertinente serait le cas d’enchainement de courses. On pense par exemple aux coureurs de piste qui, durant la saison, enchainent les compétitions. Pour les coureurs de fond qui viennent de terminer un marathon par exemple, ce n’est absolument pas une bonne idée.

Comment éviter les douleurs ?

Le moyen le plus efficace pour éviter les douleurs indésirables reste de bien quantifier son stress mécanique.

Ainsi, il est important d’augmenter le volume et l’intensité des entrainements de façon graduelle. De la même manière, il est indispensable de s’échauffer afin d’amener doucement l’organisme vers une situation de stress.

Concernant les gammes, souvent pratiquées en amont des séances intensives, il semblerait qu’elles génèrent finalement un certain stress supplémentaire et ne seraient donc pas indispensables avant une séance de vitesse par exemple. Elles restent toutefois utiles car elles augmentent la robustesse. Pratiquez-les plutôt en dehors des gros entrainements pour optimiser leurs effets !


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