Eliud Kipchoge : comment est-il devenu l’homme le plus rapide sur marathon ?

Eliud Kipchoge. Pour beaucoup d'entre nous, ce nom évoque l'excellence dans l'univers du marathon. Surnommé "le philosophe" pour sa sagesse et sa réflexion profonde, Kipchoge n'est pas seulement le coureur qui domine la scène internationale  sur marathon, c’est aussi le premier homme à courir cette distance en moins de deux heures.

Eliud Kipchoge : naissance d’une légende 

Eliud Kipchoge se fait connaître à l’échelle internationale en 2002, à tout juste 17 ans. Il se classe 5ème des Championnats du Monde juniors de cross country. Il réalise ainsi une performance exceptionnelle lorsqu’on connaît la densité existant en cross.

En 2003, il devient champion du monde junior dans cette discipline. La même année, il décroche à tout juste 18 ans sa première sélection sur 5000m pour les Championnats du Monde de Paris.

À la surprise générale, Kipchoge s'adjuge le titre sur le 5000m en 12 min et 52 secondes, réalisant par la même occasion le nouveau record des championnats devantHicham El Guerrouj et Kenenisa Bekele.

Aux Jeux olympiques d'Athènes, les choses ne se déroulent pas aussi bien qu’aux Mondiaux de Paris l’année précédente : Kipchoge monte sur la troisième marche du podium du 5 000 m derrière Hicham El Guerrouj et Kenenisa Bekele, avec un temps de 13 min 15 s 10. 

Malgré tout, cinq jours plus tard, sans doute piqué dans son orgueil, il établit la meilleure performance de l'année sur 3 000 m en remportant le meeting de Bruxelles en 7 min 27 s 72, avant de s'imposer sur la même distance lors de la Finale mondiale disputée à Monaco.

Il poursuit sa carrière de pistard entre 2005 et 2008 sans trop de réussite, avec beaucoup de 4ème places et quelques podiums sur la scène internationale. Sa meilleure performance pendant ces années reste sa deuxième place sur 5000m au JO de Pékin toujours derrière Bekele. Il remporte cependant quelques meetings de renom tels que Doha, Hengelo, Rome ou encore Bruxelles, soit sur 3000m soit sur 5000m.

Le tournant pour la route s’effectue sans aucun doute en 2012 quand il échoue lors des sélections olympiques kényanes pour les Jeux olympiques de 2012. Il décide alors de quitter la piste pour la route. 

Il fait donc ses débuts sur la route à l'occasion du Semi-marathon de Lille 2012 en prenant la troisième place en 59 min 25 s. Il participe fin 2012 aux Championnats du monde de semi-marathon et se classe 6e de l'épreuve individuelle en 1 h 1 min 52 s.

C’est à partir de là qu’Eliud Kipchoge commence à écrire l’histoire du Marathon.

Eliud Kipchoge : le marathonien le plus rapide de l’histoire

Entre 2013 et 2022, Kipchoge court 14 marathons entre 1h59’40” et 2h 05’ tous contextes confondus. Il dénombre 9 victoire sur des marathons Majeurs '(Londres, Berlin et Chicago), mais aussi 12 victoires consécutives sur des grands marathons.

Il remporte par ailleurs 2 titres olympiques consécutifs, à Rio en 2016 et Tokyo en 2021, imprimant plus d’une minute d’avance sur son premier poursuivant.

Côté chrono, Eliud Kipchoge est l’homme de tous les records. Il bat 2 fois officiellement le record du monde avec 2h01’39” en 2018 puis 2h01’09” en 2022, les 2 fois au marathon de Berlin.

Pour le 1er des deux, le 16 septembre 2018, lors du marathon de Berlin, Eliud Kipchoge améliore le record du monde de Dennis Kimetto (qui est alors de 2h02’57”) de 1 min 18 s, ce qui représente le plus grand écart enregistré depuis 1967, en parcourant la distance en 2 h 1 min 39 s. Il devient le premier athlète à descendre sous les 2 h 2 min.

Son second record se déroule différemment. Le 25 septembre 2022 toujours à Berlin, Kipchoge améliore donc son propre record du monde établi quatre ans plus tôt et le porte à 2 h 1 min 9s. Ce jour-là, trois lièvres l'accompagnent et impriment un tempo rapide dès le début de la course, il compte près d'une minute d'avance sur son propre record du monde au 13e kilomètre, et boucle le semi-marathon en moins d'une heure (59 min 51 s) ce qui constitue en soi une performance déjà hors normes. Après le retrait du dernier lièvre vers le 25e kilomètre, il termine la course seul en tête, effectuant sa deuxième partie de parcours en 1 h 1 min 18 s.

La science au service de la performance : casser la barre des 2 heures sur marathon

Eliud Kipchoge a effet contribué à la médiatisation du marathon en utilisant les médias pour valoriser ses performances. En effet, avant lui, le marathon était encore considéré comme une épreuve de fond, et intéressait très peu le grand public. Cela va changer avec le projet Breaking Two. 

En 2017, Kipchoge est au cœur d’un projet impulsé par Nike qui a pour objectif de faire franchir à un coureur la barrière des deux heures sur marathon. Trois marathoniens de haut niveau : Eliud Kipchoge, Zersenay Tadese et Lelisa Desisa sont conviés sur un circuit de formule 1, celui de Monza en Italie pour tenter de passer sous la barre mythique. 

Bien sûr, les athlètes sont observés et leurs données physiologiques décortiquées. Il en ressort une question :

Pourquoi existe-t-il un tel écart entre des données physiologiques d’une performance sur marathon et la réalité de la performance en contexte réel ?

C’est précisément le cas de Tadese, l’un des coureurs du trio. Ce dernier vaut 58’23’’ sur semi-marathon. Il affiche une VO2 Max élevée, et une économie de course parfaite. Pourtant, il n’est jamais descendu sous les 2h10’ sur marathon « officiel », et a atteint à Monza 2h06’.

Bien plus encore, l’expérience Breaking 2 se conclut surtout par une autre grande interrogation :

Qu’est-ce qui rend Kipchoge différent ? 

Si l’aspect physiologique est un indicateur de performance non négligeable, il n’est pas le seul. Entrent aussi en jeu des considérations nutritionnelles, mentales ou encore matérielles.

Pour en revenir au projet de Nike, les athlètes étaient équipés de ce que constituait à l’époque une véritable révolution : la chaussure ZoomX Vapor Fly 4% qui contient 4 plaques de carbone. Depuis leur apparition ces chaussures sont au cœur des fantasmes de tous les coureurs : il serait donc possible d’améliorer les performances sans effort, rien qu’en chaussant ces nouveaux souliers… Malgré tout, la promesse n’est pas si simple et évidente alors si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez mieux comprendre dans quelles mesures les plaques de carbone peuvent améliorer vos performances vous pouvez écouter notre émission consacrée à ce sujet.  

Bien que la barrière des 2 heures n’ait pas été franchie à cette occasion avec un chrono final de 2h00’24, la performance de Kipchoge est impressionnante. Son record ne sera cependant pas homologué par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF). La raison ? La course n'était pas un véritable marathon. Cela n'enlève rien à la performance de Kipchoge qui marque une vraie avancée dans l'histoire du marathon en rendant un peu plus crédible l'idée de passer sous les 2 heures.

Le projet Ineos 1:59 - La consécration d’Eliud Kipchoge

En 2019, INEOS annonce que Kipchoge va courir la distance du marathon en moins de deux heures. Cette fois-ci, le champion sera seul à réaliser l’exploit et un ensemble de facteurs ont été mesurés et utilisés pour optimiser cette performance. Jamais la science n’avait été autant utilisée pour optimiser les conditions de réalisation d’une performance sportive.

Les différents aspects interrogés étaient : 

  • La localisation de la course. pour que le fuseau horaire soit proche de Kaptagat au Kenya où s'entraîne Kipchoge.

  • Les conditions environnementales. Le choix des organisateurs s’est porté sur Vienne en raison de conditions environnementales optimales et d’un parcours plat,  jalonné d’arbres permettant de limiter considérablement le vent.

  • L’altitude. Cette dernière est primordiale afin de maximiser l'oxygène dans l'air et donc les performances des coureurs.

  • Les conditions climatiques. Les organisateurs avaient prévu une fenêtre de 8 jours pour réaliser l’événement en cas de mauvais temps. L’épreuve devait se dérouler entre 5h et 9h pour être dans une fourchette de température optimale (9°C au départ, 12°C à l’arrivée). Cette condition était sans doute l’une des plus importantes quand on la transfère à la vie d’un coureur normal : on sait combien il est plus difficile de réaliser une bonne performance lorsque les conditions climatiques ne sont pas réunies. Au-delà des aspects trop bien connus (grand froid, grand chaud, pluie, vent) il existe d’autres variables météorologiques ayant une influence directe sur notre performance. Une étude a démontré par exemple que selon le taux d’humidité dans l’air, la performance n’était pas la même. Plus précisément, quand le taux d’humidité augmente, les chercheurs constatent une augmentation de la température corporelle des coureurs ainsi qu’une plus grande fréquence cardiaque. Ici les données météorologiques initialement posées par les organisateurs étaient : température minimale 6,4°C, max 14,3°C, vent moyen 9,1 KM/H et 79% d’humidité de l’air moyenne.

  • L’assistance : les lièvres et les lasers. Des lasers ont guidé les lièvres et Kipchoge pour leur permettre de courir au bon rythme et donc de ne pas perdre d'énergie dans des accélérations non voulues. Une formation en V constituée de lièvres, tous coureurs de haut-niveau en demi-fond et fond, protégeait Kipchoge de la résistance du vent. Kipchoge est placé à l'arrière de la formation avec deux lièvres derrière lui. Au total il y avait une équipe de 41 lièvres qui se relayaient et n’ont ainsi pas parcouru comme lui la totalité de la distance. Même les remplacements de lièvres étaient programmés et orchestrés méticuleusement pour qu’à aucun moment de la course ne puisse être altérée la protection de Kipchoge vis-à-vis du vent, ni son allure de course. Enfin, l'hydratation avait été pensée pour ne pas nuire à la régularité d’allure. A cette fin, le ravitaillement était assuré par une équipe à vélo afin que strictement aucun arrêt ni même aucune variation de rythme ne soit nécessaire.

  • Le matériel. Kipchoge porte pendant la course une version améliorée des chaussures de course Nike Vaporfly Next% running shoes, à l'époque indisponible au public, censées améliorer l'économie en course de 4 % ; chaussures qui n’ont été finalement jamais interdites par l’IAAF. Une formation en V constituée de lièvres, tous coureurs de haut-niveau en demi-fond et fond, protégeait Kipchoge de la résistance du vent. Kipchoge est placé à l'arrière de la formation avec deux lièvres derrière lui. Au total il y avait une équipe de 41 lièvres qui se relayaient et n’ont ainsi pas parcouru comme lui la totalité de la distance. Enfin, l'hydratation avait été pensée pour ne pas nuire à la régularité d’allure. A cette fin, le ravitaillement était assuré par une équipe à vélo afin que strictement aucun arrêt ni même aucune variation de rythme ne soit nécessaire.

Cette fois-ci le projet aboutit puisque le temps réalisé par Kipchoge est de 1h 59 minutes et 40 secondes. 


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