“Ils représentent la France, mais vivent sous le seuil de pauvreté” : la réalité cachée des athlètes.
Quand on parle des revenus des sportifs, on imagine vite les millions d’euros de Mbappé, Djokovic ou LeBron James. Mais pour chaque star multimillionnaire, il existe des milliers d’athlètes qui peinent à payer leurs factures. En France, 50 % des sportifs de haut niveau gagnent moins de 1 000 € par mois et doivent cumuler un emploi à côté pour survivre.
Alors, pourquoi un champion d’Europe peut-il galérer à payer son loyer pendant qu’un footballeur remplaçant en Ligue 1 touche des centaines de milliers d’euros ?
Décryptage d’un système où l’excellence ne rime pas toujours avec sécurité financière.
Sportif de haut niveau ≠ Sportif professionnel
Première idée reçue : être reconnu sportif de haut niveau (SHN) par le ministère ne signifie pas forcément vivre de son sport.
Sportif de haut niveau → Inscrit sur les listes officielles après une performance significative. Il peut recevoir certaines aides (bourses, emplois aménagés).
Sportif professionnel → Rémunéré exclusivement grâce à son activité sportive (contrat club, fédération, sponsors).
Un athlète peut donc être de haut niveau… sans pour autant être professionnel.
Prenons un exemple concret : Salim Sdiri (saut en longueur) a été le premier athlète français à signer un contrat de travail avec un club en… 2007. Un tournant ? Pas vraiment. Aujourd’hui encore, ce modèle reste une exception
Crédit : Wanarun
Comment les athlètes gagnent-ils leur vie ?
Contrairement aux footballeurs qui signent des contrats blindés, les athlètes de haut niveau doivent composer avec plusieurs sources de revenus. Et souvent, ça ne suffit pas.
Les revenus des clubs : quasi inexistants
En athlétisme ou en trail, les clubs ne versent qu’une aide symbolique (5 000 à 6 000 € par an en moyenne). Pas de quoi vivre décemment. “Aujourd’hui, les athlètes français ne comptent pas sur les clubs pour vivre correctement”, explique Cléo, notre investigatrice.
Seule exception : les sports collectifs professionnels. En rugby ou en basket, les contrats sont plus sécurisés. Mais en athlétisme, trail ou triathlon, les clubs ne suffisent pas à financer une carrière.
Le sponsoring : le jackpot… pour quelques élus
Jimmy Gressier a signé un contrat à six chiffres avec Kiprun. Mais ce type de deal est rare. La majorité des athlètes doivent se battre pour décrocher un équipementier.
Riad Ouled (agent) : “On peut avoir des athlètes super performants qui n’ont aucun sponsor, pendant que d’autres, moins rapides mais plus visibles sur Instagram, signent de gros contrats.”
Exemple frappant : Benjamin Choquert, champion d’Europe de duathlon, s’est retrouvé sans sponsor malgré ses résultats. Son tort ? Manquer de notoriété digitale.
Aujourd’hui, un athlète doit être autant un performer qu’un communicant. Et ça change la donne.
Les primes de compétition : une loterie instable
Gagner un marathon majeur, l’UTMB ou un meeting Diamond League peut rapporter des dizaines de milliers d’euros. Mais seuls quelques athlètes touchent ces primes.
Exemple : Un marathonien élite peut remporter 50 000 à 100 000 €… s’il gagne. Mais un coureur qui termine 5ᵉ ou 10ᵉ n’aura parfois rien. Autrement dit : une saison ratée = une année sans revenu.
Les aides et bourses : un filet de sécurité très léger
Le ministère des Sports et les fédérations distribuent des bourses aux sportifs identifiés comme prioritaires. Mais ces aides restent insuffisantes.
Chiffre choc : aux Jeux de Rio 2016, 40 % des athlètes français vivaient sous le seuil de pauvreté (1 026 €/mois). Quand on parle de se “sacrifier pour son sport”, ce n’est pas une métaphore.
La double carrière : une obligation pour survivre
Sans stabilité financière, 90 % des sportifs de haut niveau doivent travailler en parallèle. Certains choisissent des emplois à mi-temps, d’autres poursuivent des études.
Blandine L’Hirondel (trail) → Gynécologue.
Vincent Bouillard (ultra-trail) → Ingénieur en innovation.
Rénelle Lamote (800m) → En formation de psychologue.
Pour beaucoup, cet équilibre fragile entre sport et travail est un défi mental et physique énorme.
Blandine L’Hirondel et Vincent Bouillard
Une précarité qui freine la performance
Liv Westphal (ancienne recordwoman de France du 10 km) : “Mon premier contrat ne me permettait pas de vivre. J’ai dû partir en Espagne pour réduire mes coûts. C’était un vrai pari.”
Quand un athlète doit choisir entre payer son loyer et financer un stage en altitude, son potentiel est forcément impacté.
Blessures = revenus en chute libre
Une blessure grave peut tout faire basculer. Certaines marques incluent même des clauses de réduction salariale en cas d’inactivité prolongée. Traduction : si tu es blessé trop longtemps, tu gagnes moins.
Certains contrats de sponsoring prévoient une réduction de 50 % du salaire si l’athlète ne peut pas courir pendant plusieurs mois. Quand ton corps est ton outil de travail, l’incertitude est permanente.
Quelles solutions pour mieux protéger les athlètes ?
D’autres pays s’en sortent mieux, et la France pourrait s’inspirer de modèles plus favorables.
Des initiatives commencent à émerger :
JeSoutiensUnAthlète.fr → Une plateforme où entreprises et particuliers peuvent financer directement des athlètes français.
Micro-sponsoring et abonnements → Via des sites comme Oben, les fans peuvent soutenir leurs sportifs préférés en échange de contenus exclusifs.
Reconnaissance du statut de sportif professionnel → Offrir une meilleure protection sociale aux athlètes serait un grand pas en avant.
👉 Une refonte du modèle économique est nécessaire pour assurer une carrière plus sereine aux athlètes.
survivre avant de briller…
Le sport de haut niveau ne garantit ni richesse, ni stabilité.
Alors que certains champions signent des contrats records, la grande majorité jongle entre entraînements, boulot et recherche de sponsors.
Dans ce contexte, les performances ne suffisent plus : il faut aussi savoir se vendre et être visible. Mais peut-on demander à un athlète d’être à la fois champion et community manager ?
Et vous, pensez-vous que les sportifs méritent un meilleur accompagnement financier ? Pour aller plus loin, écoutez le dernier épisode du podcast Dans la Tête d’un Coureur, où nos journalistes Cléo et Émilie enquêtent sur la face cachée du sponsoring.
Ce week-end, Paris a vibré au rythme des foulées. Des milliers de coureurs ont pris part à l’ÉcoTrail de Paris, avec, pour certains, une arrivée au premier étage de la tour Eiffel !