Sponsoring dans le Running : Enquête sur un Marché en Plein BOULEVERSEMENT

Le monde du running professionnel est en pleine transformation. Si le sponsoring a toujours fait partie du paysage sportif, il semble aujourd’hui atteindre des sommets inédits. L’annonce du contrat de Jimmy Gressier avec Kiprun, évoquant des montants jamais vus en France pour un coureur de fond, a mis en lumière une nouvelle dynamique : le running est-il en train de changer d’échelle ?

À travers cette enquête, nous allons décrypter l’évolution du sponsoring, les enjeux qui en découlent, et les réalités financières des athlètes professionnels. 

Sportifs professionnels ou sportifs de haut niveau : une réalité contrastée

Contrairement aux idées reçues, être un sportif de haut niveau ne signifie pas nécessairement vivre de sa passion. En France, ce statut est délivré par le ministère des Sports et permet d’accéder à certaines aides. Cependant, il ne garantit pas un revenu stable. À l’inverse, le statut de sportif professionnel suppose un contrat qui permet de vivre uniquement de son sport.

Dans les faits, rares sont les athlètes de course à pied qui peuvent se passer d’une activité complémentaire. D’après une étude de la BPCE, près de 90 % des sportifs de haut niveau français sont également étudiants ou en emploi parallèle. Aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, 40 % de la délégation française vivait sous le seuil de pauvreté. Bien que la situation se soit améliorée pour Paris 2024, beaucoup peinent encore à boucler leurs fins de mois.

Pourquoi les marques investissent-elles autant dans le running ?

Le running est un marché en pleine croissance. En 2000, la France comptait 6 millions de pratiquants. En 2024, ce chiffre atteint 12,5 millions, soit un Français sur quatre qui court régulièrement. Pour les équipementiers, c’est une aubaine : chaque coureur s’équipe en chaussures et vêtements spécifiques, générant une demande toujours plus forte.

Ce marché est également marqué par une concurrence accrue. Des marques comme On, Hoka ou Kiprun (Decathlon) sont venues bousculer des géants établis comme Nike et Adidas. Pour se démarquer, ces entreprises cherchent à s’associer à des figures influentes du running, prêtes à incarner leurs valeurs et à promouvoir leurs produits auprès d’une communauté engagée.

Un chiffre clé : La chaussure de running représente 25 à 30 % du chiffre d’affaires des équipementiers. Avec des prix en augmentation et des technologies toujours plus avancées (plaques en carbone, mousses ultra-légères…), l’industrie du running est devenue un secteur où l’innovation est reine. Pour asseoir leur crédibilité, les marques investissent massivement dans des athlètes capables d’influencer le grand public.

Performance vs Influence : la nouvelle donne du sponsoring

Autrefois, seuls les résultats comptaient pour obtenir un contrat de sponsoring. Aujourd’hui, la donne a changé : avoir une communauté engagée sur les réseaux sociaux est devenu un critère essentiel. Comme l’explique Riad Ouled, agent de nombreux coureurs français (EKŌ Agency), "Un athlète ultra-performant mais peu médiatisé aura plus de mal à décrocher un contrat qu’un coureur avec une communauté active et engagée."

Benjamin Choquert champion d’Europe de duathlon, illustre bien cette réalité. Malgré ses performances, il peine à trouver un équipementier. Selon lui, les marques privilégient désormais l’impact numérique au palmarès. Pour elles, un athlète suivi par des dizaines de milliers de personnes représente un levier marketing plus puissant qu’un coureur discret, même ultra-performant.

Le running : Un marché inégalitaire ? 

Si certains coureurs signent des contrats à plusieurs centaines de milliers d’euros, la majorité des athlètes professionnels restent loin de ces chiffres. Selon une source anonyme, seuls une poignée de coureurs français gagnent plus de 100 000 € par an. Le revenu médian des meilleurs marathoniens français se situerait entre 60 000 et 80 000 €, un montant qui doit encore être diminué par les frais d’agent (10 %), les impôts et les dépenses liées à l’entraînement.

D’ailleurs, les contrats de sponsoring ne garantissent pas toujours une stabilité financière. Beaucoup incluent des clauses de performance qui conditionnent une partie du salaire à des résultats précis : podiums, qualifications en équipe de France, participation à des événements clés… Une blessure peut ainsi faire chuter les revenus d’un athlète de manière brutale.

La médiatisation du running : un enjeu pour l’avenir

Pour que les contrats continuent d’augmenter, le running doit encore gagner en visibilité. Comme l’explique Vincent Chaudel, expert en marketing sportif : "Aujourd’hui, un champion de marathon n’a pas l’aura d’un joueur de football. Si le running veut atteindre un autre niveau, il doit créer ses propres icônes."

Le jour où un coureur deviendra une star mondiale, à l’image d’un Tiger Woods pour le golf ou d’un Rafael Nadal pour le tenis, l’économie du running pourrait exploser encore davantage. Mais pour cela, il faudra que le grand public s’identifie plus aux figures de la course à pied.

Crédit : Women Sport

un avenir incertain mais prometteur

Le sponsoring dans le running est en pleine mutation. Si les contrats records font rêver, ils concernent une minorité d’athlètes. La majorité doivent encore jongler entre passion et précarité. Cependant, avec l’essor des réseaux sociaux et la démocratisation du sport, les perspectives sont encourageantes.

L’avenir dira si le running peut s’élever au rang des sports les plus médiatisés. Une chose est sûre : les marques ont compris son potentiel et sont prêtes à investir massivement. Pour les coureurs, cela signifie une opportunité… mais aussi une nécessité de s’adapter aux nouvelles règles du jeu.

Pour aller plus loin : Retrouvez l’intégralité de notre enquête dans le dernier épisode du podcast Dans la Tête d’un Coureur, disponible sur toutes les plateformes de streaming !

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“Être un athlète ne suffit plus, il faut être INFLUENT” 

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